Placée sous le thème « Minds Rising, Spirits Tuning« , la 13ème édition de la Biennale de Gwangju se tiendra du 1er avril au 9 mai 2021.
Dirigée par Defne Ayas et Natasha Ginwala, cette édition examinera le spectre de « l’esprit communautaire » à l’ère de l’émergence de la super-intelligence et connaitra une impressionnante participation des artistes des pays africains et de la diaspora.
Historique de la biennale d’art contemporaine de Gwangju
Fondée en 1995 dans la province du Jeollanam en Corée du Sud, la Biennale de Gwangju est une plateforme de diffusion de valeurs culturelles. Vitrine du soulèvement démocratique des étudiants contre la dictature militaire en 1980, le « Gwangju Democratization Movement », la plus ancienne biennale d’art contemporain d’Asie vise à rendre hommage à ce soulèvement du peuple sud-coréen et permet donc de garder la flamme de la démocratie.
La biennale connue pour sa longue tradition d’art et de culture a aussi une visée thérapeutique au moyen des expressions artistiques et esthétiques avec pour but de panser les plaies de l’histoire traumatisante de ce soulèvement de mai 1980.
Une 13ème édition sous le symbole de l’innovation
Pour marquer d’un sceau particulier cette édition, le duo assurant la direction artistique a travaillé sur des projets stimulants, dans différentes régions, afin de reconsidérer l’histoire ou la situation de ces régions en utilisant des cadres transdisciplinaires ou des contextes multiplexes. A cet effet, la biennale lance divers programmes englobant une exposition sur la plateforme éditoriale « Minds Rising », et une série de forums publics « GB Talks Rising to the Surface : Pratiquer des avenirs solidaires ».
Cette édition mettra en exergue de nouvelles initiatives dont : le Projet Pavillon, un projet de collaboration avec les institutions artistiques étrangères : Le Kunsthaus Pasquart de Suisse et le Taiwan Contemporary Culture Lab.
L’autonomisation de l’art vis-à-vis de l’occident demeure une question importante qui a suscité de nombreuses initiatives. La plus ancienne biennale d’art contemporain asiatique s’engage à présenter un cadre de référence libre de la domination euro-américaine, en mettant un coup de projecteur sur des projets esthétiques pluriels, notamment avec l’Afrique et sa diaspora.
Une forte présence des portes-flambeau de l’art africain à la Biennale de Gwangju
Dans la perspective de devenir le carrefour des arts du monde, la biennale de Gwangju connait depuis toujours la participation des artistes des pays africains et de la diaspora. Mieux, Okwui Enwezor, d’origine nigériane avait été nommé directeur artistique de la 7eme édition de la biennale.
A cette 13ème édition qui démarre dans les prochains jours, plusieurs artistes africains de par leurs diversités : plasticiens, musiciens et danseurs sont annoncés. Il s’agit entre autres du sierra-léonais Abu Bakarr Mansaray, du franco-Béninois Emo de Medeiros, du marocain Farid Belkahia, du collectif égyptien Nasa4Nasa, de l’ivoirien Ouattara Watts, de la sénégalaise Seyni Camara, et du sud-africain Siyabonga Mthembu, etc.
Theo Eshetu, pionnier de l’art vidéo, qui a mis en valeur la culture africaine tout au long de sa carrière artistique sera également de la partie ainsi que les artistes afro-américains Jacolby Satterwhite, Trajal Harrell, Vaginal Davis, l’afro-brésilienne Sonia Gomes et le haïtien Gérard Fortuné.
Abu Bakarr Mansaray : Un art qui reconstruit l’Afrique
Bercé dans son enfance par la guerre civile ayant plongé son pays dans une situation socioéconomique et politique peu reluisante, Abu Bakkar s’exile en Hollande où, il se consacre à de très grands dessins et projets visant le redressement du pays et du continent africain.
Autodidacte, Abu Bakarr Mansaray est né en 1970, à Tongo en Sierra-Léone. Le désormais artiste influent interrompt ses études en 1987 pour s’installer à Freetown la capitale. C’est ici, qu’Abu Bakarr décide de se consacrer à l’art. « Apprendre pour inverser la marche d’un pays qui sombre dans la guerre civile » est son leitmotiv.
Il étudiera seul dans les manuels de chimie, physique, électronique, mathématiques et s’autoproclamera : « Professor ».
Travaillant inlassablement à l’élaboration du système de machineries automatique, mécanique, électrique, il réussira plus tard à fabriquer des machines à produire du feu, de la lumière, de l’air, de l’eau, du froid, du mouvement et du son. Et ce n’est pas tout !
Dans son métier d’artiste, l’homme qui a trouvé refuge en Hollande réinvestit une technique répandue en Afrique Centrale pour réaliser des objets décoratifs et / ou des jouets à base du fils de fer. A la recherche de la perfection, Abu Bakarr s’inspire de cette même technique pour créer des outils modernes au fonctionnement impressionnant.
Les outils inventés lui ont permis de réaliser des dessins faits de calculs, de schémas et de commentaires au crayon à papier, stylo à bille et crayons de couleurs conçus comme des œuvres à part entière.
« J’aime faire des dessins étranges avec beaucoup de complications et aussi concevoir des machines compliquées avec des idées scientifiques qui dépassent parfois l’imagination humaine (exemple : la machine que j’ai conçue appelée « Extincteur de l’enfer » et « Téléphone nucléaire découvert en enfer » : affirme-t-il…
Emo de Medeiros : Pour la conquête des honneurs du siècle
Vivant entre la France et le Bénin, Emo de Medeiros est un artiste pluridisciplinaire qui prône à travers ses œuvres le métissage entre le monde occidental et africain. Il crée une rencontre entre les créations traditionnelles et celles des nouvelles technologies.
L’artiste qui s’inspire des œuvres picturales, musicales et littéraires des auteurs comme : Léonard de Vinci, Fela Kuti, Miles Davis, Walter Benjamin, Henri Michaux, James Baldwin, et Bob Marley, estime que la place réservée aux artistes africains, est une « tentative ambitieuse », et qu’il est grand temps que l’Europe honore l’Afrique.
La diffusion d’internet sur le continent africain favorise d’après les analyses du Plasticien-philosophe l’émergence de nouvelles trajectoires, l’établissement de nouvelles relations au détriment des logiques culturelles anciennes et commerciales peu favorables pour le continent.
Cette nouvelle tendance fera de l’Afrique une référence en matière d’art et, Emo de Medeiros compte se positionner sur l’échiquier international. Son objectif est de : « Faire l’art du XXIème siècle et se hisser au plus haut niveau de la perfection dans la production artistique ».
S’inspirant d’une tradition du XIXe siècle propre aux Afro-brésiliens installés au Bénin, l’artiste franco-béninois produit une œuvre intitulée « Kaleta-Kaleta« . Composé de danses, chants et de musiques, Emo de Medeiros transforme cet art audiovisuel en une installation sonore et visuelle pour offrir aux amoureux d’art et autres spectateurs la possibilité de se mettre en scène avec des masques de super héros, de mangas issus de traditions de différents pays.
Il réserve de grandes surprises au public asiatique et du monde à travers cette biennale. C’est peut-être le lieu pour lui de « faire l’art du XXIe siècle », dont il rêve.
Seyni Awa Camara : La Légendaire sculptrice africaine
La magicienne de la terre d’origine sénégalaise Seyni Awa Camara prendra également part à la 13ème édition de la biennale de Gwangju. Elle va comme à son habitude, rehausser non seulement l’image de la gente féminine, mais aussi et surtout celle du continent africain.
Loin des turpitudes de la communauté, l’artiste sénégalaise vit dans un petit village perdu en plein cœur de la forêt, d’où elle façonne des milliers de personnages, hommes, femmes et animaux de tout genre.
Ayant appris les techniques traditionnelles de la poterie auprès de sa mère, la potière de la Casamance s’est très tôt démarquée de la production artisanale de par son imagination fertile. Elle travaille sans cesse à la perfection de son art. Ses œuvres anthropomorphes sont empreintes d’un mysticisme inhérent aux esprits malicieux et aux pratiques animistes qui caractérisent l’Afrique des villages. Celle qui aurait été initiée à l’art par le génie de la forêt a une notoriété qui transcende les frontières du continent africain.
Caractérisée par la sincérité des émotions qu’elle communique à travers ses œuvres, Seyni Awa Camara est une créatrice authentique, spirituelle, mystique que l’on rattache à la première génération de l’École de Dakar.
Les œuvres de la potière de Bignona ont fait leur chemin. Inclassable, celle qui a vu le jour vers 1945 en Casamance a par contre fait voyager ses célèbres sculptures dans de nombreux musées d’art moderne occidentaux, américains et de nombreuses biennales dont celle de Venise en 2001.
Ouattara Watts : le peintre du cosmos
Amoureux de la culture et des beaux-arts dès son enfance, Ouattara Watts s’est très tôt initié aux rituels entourant la religion poro de son milieu.
Aujourd’hui, artiste plasticien de renom, il a su concrétiser son rêve d’enfance. A la 13ème édition de la biennal de Gwangju, l’artiste ivoirien va défendre les couleurs du continent africain et faire parler à nouveau son art aux couleurs soutenues, aux formes, signes et symboles hypnotiques.
Formé à l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris, Ouattara Watts fit en 1988 une rencontre fortuite qui détermine ses nouvelles orientations d’artiste.
Sous le charme des œuvres de l’artiste Ivoirien, son confrère Jean-Michel Basquiat sympathisa avec lui. Partageant les mêmes valeurs culturelles, philosophiques et les spiritualités africaines, les deux artistes s’accordent pour un voyage à New York, où vit et travaille désormais Ouattara Watts.
Cette relation amicale et artistique sera brisée en 1988 par la mort précoce de Jean-Michel Basquiat. C’est à partir de cette douloureuse séparation, que l’artiste décide de se faire un nom et une place par son seul talent. Ouattara Watts va rapidement réorienter ses recherches artistiques, pour adopter un corpus d’œuvres à part entière conduit par un fil qui tresse ensemble des traditions ancestrales, modernes et contemporaines. L’espace Paul Rebeyrolle qui remarquera la qualité de ses créations, les accueillent et présentent au public.
La saison culturelle « Africa 2020 » et la suite de la grande rétrospective consacrée à Jean-Michel Basquiat par la Fondation Louis Vuitton, révèlent d’avantage les compétences de l’artiste ivoirien qui fusionne les contraires, organise l’équilibre des extrêmes, harmonise le chaos du monde : Cette unité cosmique.
Le public de la biennale de Gwangu découvrira l’identité multiculturelle de l’artiste qui livrera encore une fois des œuvres empreintes de lyrisme et d’esprit.
Farid Belkahia : La renaissance contemporaine
Mort dans l’âme, mais vivant dans ses œuvres, le nom de l’artiste peintre marocain Farid Belkahia, décédé le jeudi 25 septembre 2014 à Marrakech est sur la liste des artistes africains et de la diaspora attendus à la biennale de Gwangju.
L’artiste, de son vivant a eu, de par ses œuvres le mérite d’imposer l’idée d’une peinture indépendante de l’héritage colonial et d’instaurer des valeurs contemporaines qui vont influencer des générations d’artistes au Maroc ; faisant valoir sa présence à titre posthume à la 13ème édition de la biennale de Gwangju.
Né d’un père collectionneur et marchand d’objets d’art marocain, le goût de l’art lui a été transmis par les amis artistes de ce dernier. Maniant déjà le pinceau à l’âge de quinze ans, l’artiste Farid Belkahia alors jeune peintre enseignait comme instituteur à Ouarzazate.
Ayant fréquenté l’école des Beaux-Arts de Paris, l’artiste plasticien marocain s’intéresse aux œuvres de Georges-Henri Rouault et de Paul Klee, avant de s’embarquer dans une formation complémentaire en Tchécoslovaquie où il étudia grâce à une bourse la création de décors de théâtre.
Ex- directeur de l’École des beaux-arts de Casablanca, Farid Belkahia utilise plusieurs mediums dont le cuivre, la peau d’agneau, les bois découpés, les colorants naturels et se réapproprie les motifs ornementaux et signes berbères.
Une plus grande représentativité Africaine aux prochaines éditions
Dans la perspective de faire rayonner l’art africain, la présence d’un nombre plus important d’artistes du continent et de la diaspora serait souhaitable pour les prochaines éditions. Ceci donnera un écho favorable au rayonnement du monde artistique et contemporain africain.