“Beneath the Broken Sun” : un voyage au cœur de l’obscurité créative à travers l’art d’Alexandra Karakashian

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Alexandra Karakashian dernière heure I, 2024 Huile moteur usagée, charbon de bois, pigment noir sur toile 180 x 275 cm
Alexandra Karakashian dernière heure I, 2024 Huile moteur usagée, charbon de bois, pigment noir sur toile 180 x 275 cm

Pour la première fois, Alexandra Karakashian expose à Los Angeles, présentant une série de toiles abstraites monochromes qui baignent l’espace d’une atmosphère immersive et singulière. Son exposition, intitulée « Beneath the Broken Sun » et accessible jusqu’au 14 novembre, met en lumière une pratique artistique riche, explorant les thèmes de l’exil, de la perte et du deuil, tant sur le plan individuel que collectif.

"Beneath the Broken Sun" : un voyage au cœur de l'obscurité créative à travers l'art d'Alexandra Karakashian
Alexandra Karakashian
effondré II, 2017
Huile sur toile
180 x 120 cm

Née en 1988 à Johannesburg et aujourd’hui basée au Cap, cette artiste sud-africaine puise son inspiration dans son vécu personnel et familial. Alexandra Karakashian s’intéresse à des problématiques contemporaines telles que l’exil, le statut des réfugiés et la migration. Sa démarche prend également la forme d’un engagement écologique, utilisant des matériaux non conventionnels pour ses œuvres. En intégrant de l’huile de moteur usagée et du sel, elle souligne subtilement l’instabilité et l’effondrement des ressources naturelles, particulièrement sur le continent africain. Les thèmes du deuil liés à la perte de terres et aux destins de ceux qui se sont retrouvés « sans abri » résonnent profondément dans sa création, enrichissant un dialogue critique et émouvant sur les réalités contemporaines.

Dans « Beneath the Broken Sun », Alexandra Karakashian révèle des grandes toiles qui incarnent parfaitement sa démarche artistique. En utilisant de l’huile de moteur, des pigments noirs, du charbon de bois, du sel ainsi que de la peinture à huile sur toile et lin, l’artiste sud-africaine invite à une méditation sur les sombres réalités du monde. En mettant la matérialité et le processus au cœur de sa pratique, elle transforme ses œuvres en explorations dynamiques, imprégnées d’une vivacité qui défie les perceptions traditionnelles associées aux médiums utilisés.

"Beneath the Broken Sun" : un voyage au cœur de l'obscurité créative à travers l'art d'Alexandra Karakashian
Alexandra Karakashian Ancre, 2024
Huile moteur usagée, pigment noir, fusain, peinture à l’huile sur toile
195 x 132,5 cm

Ses grands tableaux dichotomiques entraînent les visiteurs dans un voyage visuel, révélant les possibilités de mouvement et d’interaction des peintures dans l’espace. Les œuvres présentées s’éloignent des styles représentatifs et des justifications narratives, embrassant au contraire un processus créatif intimement minimaliste. Cette esthétique épurée interpelle le public et offre une expérience intérieure riche, oscillant entre une multitude d’émotions, tantôt vives, tantôt subtiles, à la fois apaisantes et quelque peu vexantes.

Le noir, couleur presque omniprésente dans l’œuvre d’Alexandra Karakashian, incarne une multitude de notions : la mort, le réconfort, la peur, la magie mythique de l’obscurité, la résistance, le deuil et la retenue. Les sillons laissés par cette teinte sombre évoquent des cicatrices et des colonnes monolithiques d’une profondeur telle qu’elles semblent absorber toute source d’éclat, se transformant parfois en simples bandes noires. Certaines toiles de « Beneath the Broken Sun » semblent se plonger dans cette obscurité, où la peinture noire et l’huile masquent presque entièrement le support, laissant émerger de minuscules éclats lumineuses tels des explosions scintillantes.

"Beneath the Broken Sun" : un voyage au cœur de l'obscurité créative à travers l'art d'Alexandra Karakashian
Alexandra Karakashian
Réveil II, 2022
Huile sur papier calqué
76,5 x 55 cm

Alexandra Karakashian déploie avec puissance et profondeur le symbolisme du noir, le dépeignant de manière à accentuer les émotions transmises par ses œuvres. L’huile de moteur s’infiltre dans la trame délicate de la toile, créant des auras douces autour de chaque geste. Ce mouvement entropique échappe à tout contrôle ; son champ d’expansion est soumis aux caprices du destin, bien après que l’engagement physique de l’artiste avec l’œuvre ait pris fin.

Le choix des matériaux par l’artiste sud-africaine soulève des réflexions profondes, notamment sur l’huile moteur, perçue comme un symbole du pétrole brut, dont l’utilisation entraîne des conséquences lourdes pour l’humanité et la nature. La théoricienne Jane Bennett, en 2015, a exploré la frontière entre les matériaux inertes et la vitalité humaine, introduisant le concept de « matière vibrante » qui suggère que chaque objet possède un pouvoir énergétique. Cela remet en question l’arrogance de l’homme face à la consommation, en rendant floue la distinction entre soi et l’objet.

"Beneath the Broken Sun" : un voyage au cœur de l'obscurité créative à travers l'art d'Alexandra Karakashian
Alexandra Karakashian
où tu reposes, 2022-2024
Huile moteur usagée, pigment noir sur toile
240 x 169,5 cm

Dans cette dynamique d’abstraction et d’expérimentation, la pratique d’Alexandra Karakashian reflète un rejet des binaires traditionnels – lumière et obscurité, vide et plein, sujet et objet, vie et mort. En s’ouvrant à l’inconnu et à l’indéfinissable, « Beneath the Broken Sun » invite à transcender les jugements de valeur et à percevoir l’expérience comme un phénomène circulaire, révélant ainsi une complexité riche dans sa matérialité.

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