L’art est un outil expressif puissant qui entre les mains de personnes illuminées peut servir de socle pour résoudre bon nombre de maux qui gangrènent le monde. Les artistes contemporains ont su s’approprier cet usage afin de faire de l’art contemporain un porte-voix solide pour exprimer leur perception de la société et les difficultés quotidiennes ignorées pourtant impactant sur le bien-être social. L’exposition « Reframing Neglect » est une présentation allant dans ce sens et qui vise à porter à l’attention de tous le besoin urgent de mettre fin aux maladies Tropicales Négligées (MTN) dans le monde.
Le Fonds END mobilise des ressources pour soigner les MTN et se centralise sur la fourniture de traitements aux concernés en développant et en engageant une communauté d’activistes-philanthropes, en dirigeant des placements stratégiques à fort impact puis en travaillant en partenariat avec des ONG, partenaires universitaires, des gouvernements ainsi que des laboratoires pharmaceutiques. C’est dans l’optique de célébrer les dix ans d’impact des activités menées par le Fonds END et de sensibiliser le public face aux problèmes que représentent les MTN, que l’artiste militante Aïda Muluneh a été sollicitée pour concevoir une série d’œuvres en collaboration avec d’autres artistes photographes des six pays d’Afrique (Éthiopie, Mali, Nigéria, Kenya, Somalie, Soudan) toucher par les MTN.
Cette exposition photographique annoncée par le Fonds END sera composée de 38 photographies réalisées par des photographes émérites provenant de sept pays africains. Les artistes participant à la présentation artistique « Reframing Neglect » ne sont autres que Sarah Wasiwa (née en Ouganda en 1980), Messeret Argaw (né en Éthiopie en 1989), John Kalapo (né au Mali en 1983), Ala Kheir (né au Soudan en 1985), Omoregie Osakpolor (né au Nigéria en 1990) et Mustafa Saeed (né en Somalie en 1986). À travers leur art et la photographie documentaire, les artistes sollicités mettent en évidence le poids des maladies tropicales négligées sur les individus et la communauté toute entière. L’art est ici utilisé tel un outil communicatif pour partager les émotions humaines et aussi pour sensibiliser le public face à ces affections récurrentes.
Aïda Muluneh est une artiste éthiopienne, photographe et activiste de talent qui se sert de l’art comme un outil pour dévoiler l’invisible, interroger le public et les amener à accéder à la profondeur des émotions humaines partagées. Elle intègre dans chacune de ces images de nombreuses couches narratives afin de créer une forte interprétation des impacts des MTN sur l’accès aux ressources, l’égalité des sexes, la mobilité et la santé mentale. Dans “The Crimson Echo” une œuvre provenant de sa dernière collection exposée, l’artiste photographe utilise des motifs d’insectes “The Barriers Within” et des parties abstraites du corps “I Sail on The Memories of My Dreams“, qui accordent une attention singulière aux vecteurs de maladies et aux symptômes physiques des MTN. Aïda Muluneh s’exprime à travers des couleurs vives et le respect de la tradition comme moteur pour démanteler les représentations d’une Afrique éteinte et appauvrie.
Sarah Waiswa est une photographe documentaire née en Ouganda et basée au Kenya. Dans son art photographique, elle explore les nouvelles identités africaines sur le continent et en adoptant une approche contemporaine parcourt les problèmes sociaux de l’Afrique. Au cours de cette exposition « Reframing Neglect », l’artiste ougandaise accompagne Eunice Atieno, une mère célibataire de 48 ans qui vit depuis maintenant 11 ans avec la filariose lymphatique (FL). Une affection causée par des vers parasites qui est la principale cause d’invalidité permanente dans le monde. En 2019, la mère célibataire a été diagnostiquée de la filariose lymphatique suite à un exercice d’administration massive de médicaments qui s’est déroulé dans son quartier.
La photographe éthiopienne Meseret Argaw dévoile des photographies fortement expressives, percutantes et intimes. Son travail aborde les notions de l’identité, des rêves et de l’histoire. La participation de Meseret Argaw à cette exposition de sensibilisation a pour but d’explorer les retombées sociale, économique et mentale des MTN sur les femmes vivant dans les communautés rurales éthiopiennes. Ces photographies ne s’identifient pas forcément à une MTN, mais elles communiquent plutôt les sentiments auxquelles ces femmes sont confrontées dans la société.
John Kalapo est un photographe malien qui aborde les problèmes sociaux quotidiens à travers le photojournalisme et la narration. Dans « Reframing Neglect », il documente les personnes atteintes de MTN dans la région de Kita. Dans des portraits formels, il arrive à préserver la dignité des personnes photographiées tout en exhibant l’impact physique de la maladie.
Dans une approche subtile, Ala Kheir utilise ces images pour présenter la ville de Khartoum dans toute sa complexité ainsi que les problèmes sociaux économiques qui la composent. Le photographe soudanais dans sa série d’œuvres superpose des images de personnes et de lieux afin de mettre en lumière la précarité des quartiers de la périphérie de Khartoum ainsi que l’état des familles qui y vivent. Ces endroits qualifiés de dépotoirs ou de zones industrielles accueillent les familles qui ont déserté des régions instables et qui aujourd’hui évoluent en toute pauvreté en proie aux MTN.
Dans une perspective culturelle et de justice sociale, Omoregie Osakpolor espère réaliser un changement sociétal et engager l’interaction culturelle des communautés avec pour arme l’art. Artiste photographe nigérian et documentaire, il documente dans cette série, les activités du partenaire d’END Fund, la Fondation Amen, s’attaquant aux MTN à Gombe, au Nigeria. Le Nigéria présente un fort taux de personnes atteintes des MTN. Omoregie Osakpolor montre dans son travail l’impact grandissant de ces maladies dans sa communauté ainsi que les traitements employés par les professionnels de santé de la région pour y remédier.
Le travail de Mustafa Saeed s’articule autour des questions sociopolitiques telles que la guerre, les conflits et l’environnement. Il utilise différents médiums, dont la photographie, le graphisme et le son pour communiquer sa vision des choses. Dans « Reframing Neglect », l’artiste visuel somalien s’emploie à disséquer les troubles émotionnels causés par les vers intestinaux chez les personnes atteintes. À l’aide de cordes et de vêtements colorés, Mustafa Saeed transmet la négligence et le sentiment d’emprisonnement d’être rattachée à une maladie qui peut facilement être traitée.
La série d’œuvres photographiques sera présentée en collaboration avec The Africa Center, Harlem, du 3 août au 5 septembre, avant d’être exposé du 26 septembre au 8 octobre 2023 au Cromwell Place Londres. À travers « Reframing Neglect », les artistes réalisent une narration percutante et soulignent l’urgence d’agir collectivement pour faire face à ces Maladies Tropicales Négligées et supprimer l’impact qu’elles ont sur les communautés noires africaines.