Ce mois-ci, l’artiste contemporaine Billie Zangewa est à l’honneur, captivant le regard par la profondeur et la beauté de son œuvre. Avec une sensibilité unique, elle crée des portraits délicats et texturés, révélant le quotidien noir dans toute sa richesse. À travers son travail, elle interroge des thématiques essentielles telles que le genre, la race et l’intimité domestique, offrant ainsi une vision personnelle et émotive de son expérience créative.
Née en 1973 au Malawi et ayant grandi au Botswana, Billie Zangewa rejoint l’Afrique du Sud pour étudier aux Beaux-Arts à l’Université de Rhodes, où elle obtient son diplôme en 1995. Après un retour éphémère au Botswana, elle s’établit à Johannesburg, amorçant alors un parcours artistique remarquable. Ses œuvres ont trouvé écho dans des galeries prestigieuses à Johannesburg, Dakar, Marrakech, Paris, New York, et bien d’autres métropoles. À travers des créations textiles et des collages en soie brute soigneusement confectionnés, l’artiste contemporaine explore avec finesse les notions de féminité et d’identité. En s’appropriant le mantra « le personnel est politique », Billie Zangewa pousse à la réflexion sur les stéréotypes de genre et de race, tissant dans ses tapisseries colorées une narration visuelle d’une vie domestique riche et nuancée.
Billie Zangewa, artiste au parcours diversifié, a d’abord exploré plusieurs médiums, tels que la photographie de mode, l’approche narrative et la gravure, comme voies d’expression de son art. Cependant, au début des années 2000, son travail opère une transition fascinante vers l’utilisation de la soie brute. Ce matériau captivant représente pour l’artiste malawite un défi audacieux dans la conception d’œuvres uniques et expressives. Les coupes irrégulières de ce tissu, qui entravaient initialement la réalisation d’images complètes, sont devenues aujourd’hui des marques symboliques, ajoutant une profondeur significative à ses créations. Dans des pièces emblématiques telles que Temporary Reprieve (2007) et Swimming Lesson (2020), les vides et les déchirures intégrées dans le tissu mettent en lumière non seulement la matérialité de son art, mais évoquent aussi les imperfections et les blessures intérieures qui façonnent l’expérience humaine.
L’adaptabilité de Billie Zangewa à l’usage de la soie ne se limite pas à son engagement antérieur dans le monde de la mode, mais trouve également ses racines dans son enfance, marquée par les enseignements de sa mère sur l’art de la couture. Elle se remémore avec tendresse ces moments où sa mère participait à des collectifs de couture avec d’autres femmes. Pour elle, cet espace était à la fois accueillant et libérateur, permettant aux participantes de partager leurs luttes et de tisser des liens. L’artiste malawite évoque le « soft power » de la couture chez les femmes africaines, soulignant comment cette pratique a le potentiel de créer des communautés de soutien et de solidarité.
Lors d’un échange avec Jareh Das, collaborateur d’Ocula, Billie Zangewa partage sa passion pour la couture, déclarant : « coudre représente pour moi un moyen de m’émanciper. C’est une façon pour moi de m’exprimer, d’utiliser ma voix et d’exprimer mon identité de femme. C’est aussi une forme de thérapie. » Aujourd’hui, Billie Zangewa se consacre principalement à la création de collages complexes réalisés à partir de chutes de soie brute, mettant en avant des compositions figuratives qui explorent son identité inter-sectionnelle dans le contexte contemporain. Son travail remet en question les stéréotypes historiques, ainsi que l’objectification et l’exploitation du corps de la femme noire. En adoptant un style plat et coloré, elle tisse des récits qui reflètent à la fois des expériences personnelles et des thèmes universels. Loin de proposer des messages politiques explicites, ses œuvres mettent en lumière des préoccupations domestiques banales, créant des liens entre les individus grâce à leur portée universelle.
L’œuvre La Renaissance de Vénus noire, achevée en 2010, marque un tournant significatif dans le travail de l’artiste. Cette tapisserie représente un paysage urbain de Johannesburg, réduit à des proportions miniatures, tandis que la silhouette gracieuse mais imposante de Billie Zangewa, nue à l’exception d’une bannière entourant son corps, domine la composition. Cette œuvre a été créée à un moment charnière de sa vie, alors qu’elle mettait fin à une demande en mariage, symbolisant ainsi un engagement envers elle-même et l’amour-propre, thèmes récurrents dans son travail depuis lors.
Les premières créations de l’artiste, comme That Day (2004), se concentraient sur son environnement urbain à travers des paysages, mais au fil du temps, son art a évolué vers une exploration plus personnelle. Dans des œuvres telles que Christmas at the Ritz (2006), elle commence à adopter une approche introspective, illustrant son expérience à Londres en tant que mannequin. Sa perspective évolue alors qu’elle cherche à se voir à travers ses propres yeux, une quête d’autocritique plus profonde qui se manifeste dans The Rebirth of Black Venus (2010). Dans cette œuvre, la pose ouverte de la figure révèle une femme pleine d’assurance, incarnant une célébration de soi et de la beauté dans la diversité de son identité.
Billie Zangewa, souvent protagoniste de ses œuvres, incarne une héroïne dont la vie quotidienne s’exprime à travers ses scènes intimes et personnelles. Sa maternité joue un rôle central dans son travail, comme en témoigne sa pièce Temporary Reprieve, où elle présente son fils, Mika. Dans Swimming Lesson (2020), l’artiste malawienne continue d’explorer les thèmes de l’amour, de la maternité et de la croissance de l’enfant en tant qu’individu. À travers ces œuvres, elle remet en question les idéaux traditionnels qui dictent qu’une femme doit choisir entre son rôle de mère et sa carrière d’artiste, plaidant ainsi pour une approche plus nuancée de la féminité.
Billie Zangewa, qui a débuté sur la scène artistique de Johannesburg, est devenue une’artiste de renommée mondiale. Ses œuvres ont été exposées à l’échelle internationale dans des institutions prestigieuses, notamment au Musée national d’art africain du Smithsonian Institute à Washington, D.C., au Stedelijk Museum d’Amsterdam, au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, au MACAAL à Marrakech et au Studio Museum de Harlem. En 2020, elle a réalisé sa première grande exposition personnelle en galerie à Paris, intitulée « Soldier of Love« , au Templon, une étape marquante dans sa carrière qui a contribué à établir davantage son influence et sa portée dans le monde de l’art contemporain.
Par l’intermédiaire de ses tapisseries et de ses collages, Billie Zangewa aborde des thèmes universels à travers le prisme de ses expériences personnelles, offrant une représentation authentique de la maternité et de l’identité féminine. Elle utilise sa pratique artistique pour célébrer et documenter des moments de tendresse, de lutte et de résilience, affirmant ainsi la valeur des récits quotidiens et intimes dans l’art.