De Lagos à Los Angeles : l’odysée artistique de Njideka Akunyili Crosby

Pour notre rendez-vous mensuel consacré à un artiste éminent de la scène artistique africaine, nous mettons en lumière ce mois-ci la pratique créative de Njideka Akunyili Crosby. Cette artiste nigériane, dont l’œuvre évoque un profond sentiment de nostalgie, peint des souvenirs vibrants de son pays natal, de sa famille et de son parcours personnel. Ses toiles captivantes immergent le spectateur dans son univers intime et dans les nuances de son quotidien.

Née en 1983 à Enugu, au Nigeria, Njideka Akunyili Crosby grandit au sein d’une fratrie de six enfants, avec un père chirurgien et une mère enseignante en pharmacologie. À l’âge de dix ans, sa famille s’installe à Lagos, la capitale nigériane, avant qu’elle et sa sœur ne s’envolent pour les États-Unis afin de poursuivre leurs études.

Initialement, elle se consacre à l’histoire américaine, retournant au Nigéria avant de revenir aux États-Unis pour suivre des cours en médecine. Ce parcours atypique ne laisse guère présager une vocation artistique. Pourtant, Njideka Akunyili Crosby finit par se tourner vers les arts et obtient son diplôme de l’Académie des Arts de Pennsylvanie, suivi en 2011 par un diplôme de l‘École des beaux-arts de l’Université Yale. Ainsi, l’artiste contemporaine nigériane se forge une identité visuelle unique, empreinte de mémoire, de culture et de résilience, révélant à chaque coup de pinceau l’histoire riche et fascinante d’une influence contemporaine africaine et occidentale.

Aujourd’hui, Njideka Akunyili Crosby crée à Los Angeles, en Californie, où la majorité de ses œuvres sont présentées au public américain. Suite à ses études, l’artiste nigériane a emprunté une voie prometteuse dans le monde de l’art visuel en rejoignant la résidence du Studio Museum in Harlem, un lieu emblématique dédié à la promotion et au soutien des artistes africains émergents.

Cette résidence fut une véritable bouffée d’air frais pour Njideka Akunyili Crosby, lui offrant l’opportunité de croiser le chemin d’artistes établis, dont Wangechi Mutu, qui devient non seulement un mentor essentiel, mais aussi un phare dans son parcours. Grâce aux précieux conseils de cette experte en art, elle explore des approches créatives plurielles, entremêlant peinture figurative, réflexions sur l’ère post-coloniale et techniques de dessin, entre autres.

La première exposition personnelle de Njideka Akunyili Crosby voit le jour en 2015 au Musée Hammer, orchestrée par Jamillah James, ancien conservateur du Studio Museum in Harlem, désormais conservateur adjoint du Musée Hammer de Los Angeles. Cet événement majeur représente un tournant décisif dans sa carrière, marquant l’aboutissement de son travail et l’officialisation de sa voix artistique sur la scène internationale. La même année, elle se voit également mise en lumière au Norton Museum of Art, renforçant ainsi son statut d’artiste contemporaine.

Dans sa démarche artistique, Njideka Akunyili Crosby captive le public par ses représentations de scènes d’intérieur et d’instants du quotidien, avidement puisés dans la vie domestique. Pour insuffler une profondeur singulière à ses créations, elle emprunte un processus complexe qui marie habilement plusieurs techniques et médiums, allant du collage au dessin, en passant par le transfert de photographies, la peinture acrylique et le fusain.

L’artiste africaine incorpore à son travail des photographies qu’elle a elle-même prises au Nigeria, ainsi que des images de famille et des extraits de magazines populaires nigérians, créant ainsi des motifs kaléidoscopiques qui viennent orner les sols et les murs de ses compositions. Njideka Akunyili Crosby s’engage dans un dialogue visuel par le biais de collages riches, combinant superpositions, dessins et éléments peints, pour tisser un véritable tissu d’images qui enchante le regard.

Puisant son inspiration dans ses racines nigérianes, son style artistique est également influencé par la culture pop, son expérience personnelle et le milieu académique occidental. Toutefois, son œuvre échappe à toute tentative de catégorisation simpliste, oscillant entre l’américanité et la nigérianité ; elle se définit avant tout comme une expression autobiographique, explorant un personnage qui ne rentre pas dans une boîte et scrutant les méandres de sa propre histoire.

Au-delà des influences culturelles, de nombreux acteurs ont également façonné la pratique artistique de Njideka Akunyili Crosby. Parmi eux, elle cite des peintres classiques et contemporains tels qu’Édouard Vuillard et Chris Ofili, ainsi que l’œuvre emblématique de Kerry James Marshall. L’artiste Wangechi Mutu a joué un rôle décisif dans l’évolution de sa perception de l’image, l’incitant à jouer avec la multiplicité visuelle pour en faire émerger une force nouvelle et évocatrice.

De même, elle a été inspirée par l’écrivain Chinua Achebe, dont l’approche innovante à l’égard de la langue anglaise, qu’il adapte à sa culture, se reflète dans la manière dont elle tisse son propre récit visuel. Des photographes comme J.D. ‘Okhai Ojeikere et Malick Sidibé ont également enrichi son expression artistique, la guidant vers des formes de narration visuelle profondément ancrées dans le vécu.

Les œuvres de Njideka Akunyili Crosby brillent principalement dans les musées de sa patrie d’adoption, une véritable carte d’identité artistique qui témoigne de son rayonnement. Ses toiles sont exposées dans des institutions prestigieuses telles que le musée d’art Nasher de l’Université Duke, la galerie d’art de l’Université Yale, le Musée d’art moderne de San Francisco, le Whitney Museum of American Art à Manhattan, l‘Académie des Beaux-Arts de Pennsylvanie, le Studio Museum in Harlem, le Musée d’art du comté de Los Angeles, la galerie d’art Albright-Knox de Buffalo, et le Musée d’art contemporain de Los Angeles.

Son art trouve également écho sur le continent africain, où il est visible au Musée Zeitz MOCAA d’art contemporain à Cape Town, en Afrique du Sud. La diversité des lieux d’exposition témoigne de la richesse et de la portée universelle de son travail, ancrant Njideka Akunyili Crosby comme une figure montante de l’art contemporain africain.