Joe Sam : raconter l’histoire à travers la couleur et la forme

9 Min Read
BLM/J'entends les voix douces qui m'appellent : le vieux Joe noir
BLM/J'entends les voix douces qui m'appellent : le vieux Joe noir

Œuvres colorées, matériaux recyclés et expression visuelle profonde, Joe Sam à charmer la scène artistique avec ses réalisations discordantes, uniques et immersives. En tant qu’artiste peintre et d’installations aux techniques mixtes, il a longtemps fait vibrer l’univers créatif grâce à ses œuvres marquées par des enjeux politiques et socio-communautaires. Acteur contemporain et autodidacte depuis quarante ans, Joe Sam s’est imposer comme l’un des éminents artistes afro-américains de la scène artistique contemporaine.

Joe Sam : raconter l'histoire à travers la couleur et la forme
Portrait Joe Sam

Né le 17 août 1938 à Harlem, New York, Joe Sam débute sa carrière dans la psychologie éducative et en tant qu’enseignant, avant de décider de consacrer sa vie à l’art. Il obtient une licence en sociologie en 1961 au St. Paul’s College en Virginie, puis poursuit ses études en décrochant un master en psychologie de l’éducation à l’Université Columbia à New York, suivi d’un doctorat en éducation et psychologie à l’Université du Massachusetts à Amherst.

Alors qu’il était encore étudiant à Columbia, Joe Sam animait des séminaires éducatifs pour les enseignants des écoles publiques, ainsi qu’à la Floyd Patterson House dans l’East Village, un centre de traitement résidentiel pour jeunes délinquants. En 1976, il s’engage résolument dans l’éducation et l’autonomisation des jeunes, devenant directeur du programme Head Start de la ville de San Francisco, en Californie. Parallèlement à son travail à plein temps, il lance les séries Black West et Black Jazz, illustrant ainsi son désir d’allier art et engagement social.

Joe Sam : raconter l'histoire à travers la couleur et la forme
Miss Biddy Walked From Mississippi to California, ca. 1985 Oil, collage on board 48 × 96 × 1/2 in | 121.9 × 243.8 × 1.3 cm Frame included

L’année 1985 marque véritablement le début du parcours de Joe Sam en tant qu’artiste contemporain. Après avoir obtenu une bourse du National Endowment for the Arts, il décide de prendre sa retraite de l’enseignement pour se consacrer pleinement à son art. Ce tournant ouvre la voie à son ascension fulgurante dans le monde de l’art, ponctuée par des résidences artistiques successives et des commandes d’institutions telles que le centre de détention pour mineurs du commissariat de police de San Francisco Mission, la station de métro Rosa Parks de la Los Angeles County Metropolitan Transportation Authority, et le Sharks Ice Center de San Jose, en Californie.

Initialement un des seuls artistes noirs localisé au chantier naval, l’artiste afro-américain s’est appliquer à rendre facilement accessible les résidences de la zone aux artistes noires. Figure de proue dans le lancement du programme STAR Artist-in-Residence en 1996, il avait mis à disposition un studio gratuit au jeune artiste prometteur de la communauté Malik Seneferu. Aujourd’hui, Malik Seneferu se distingue comme un artiste émergent avec un studio permanent au chantier naval, grâce à son soutien . Il a également joué un rôle dans la reconnaissance de la créativité artistique des acteurs contemporains africains en critiquant publiquement les musées locaux pour exclure de leur vitrine ou collection, les œuvres d’artistes de couleur, en particulier les artistes noirs.

Joe Sam : raconter l'histoire à travers la couleur et la forme
Techniques mixtes, objets trouvés

Joe Sam est reconnu pour la création de ses œuvres à partir d’objets trouvés dans son environnement immédiat. Il confectionne des assemblages colorés à partir de matériaux recueillis dans les rues de Californie. Ces éléments, juxtaposés et cohabitant au sein de l’œuvre, forment un tout dissonant, captivant visuellement. Sa pratique inclut une large variété de matériaux du quotidien, allant des roues de vélo aux blocs de bois, en passant par des tuyaux en plastique et des mégots de cigarettes. Il enrichit également ses œuvres avec des coupures de presse, des images d’archives et son amour des couleurs distinctes, qui apparaissent par touches sur ses toiles, souvent accompagnées de lettres majuscules. L’artiste noir américain propose aussi des silhouettes multiculturelles découpées ainsi que des séries de pins, qui sont des œuvres miniatures de ses sculptures publiques

Tous ces éléments, mis bout à bout, représentent des indices contextuels sur le message que Joe Sam souhaite transmettre à travers son art : un commentaire politique sur les réalités persistantes au sein de la communauté noire. Plusieurs événements ont inspiré ses créations, parmi lesquelles le massacre de Jonestown en 1978, où des centaines d’Afro-Américains ont été empoisonnés par le chef de secte Jim Jones, l’observation du corps noir sur le billot d’enchères, le passage à tabac de Rodney King par le LAPD, et la fusillade de Charleston, où trois hommes et six femmes ont été tragiquement assassinés à l’église épiscopale méthodiste africaine Emmanuel.

Joe Sam : raconter l'histoire à travers la couleur et la forme

Joe Sam, à travers sa pratique artistique, réussit à évoquer des événements marquants sans s’attarder sur leur côté tragique et sanglant. Ses œuvres ont pour effet de stimuler la mémoire collective, servant de rappels de la condition des communautés noires, qui, bien que toujours en évolution, semblent souvent stagner face aux défis persistants.

En plus de ses créations pour des expositions, Joe Sam a également produit des œuvres à des fins commerciales. Parmi celles-ci, on trouve The Invisible Hunters (1987), qui a été honoré du titre de livre d’honneur Coretta Scott King. Il a également conçu des couvertures d’albums pour des artistes tels que Bobby McFerrin, avec Medicine Man (1990), Driving While Black de Bennie Maupin et Dr Patrick Gleeson (1998), ainsi que pour All Hands-on Deck (2000) et Chromatology (2004) d’Upsurge. Au fil de son parcours artistique à San Francisco, Joe Sam a cultivé des amitiés avec d’autres peintres influents de la région de la baie, tels que Robert Colescott, Joe Overstreet, Raymond Saunders, Arthur Monroe et Mary Lovelace O’Neal.

Joe Sam : raconter l'histoire à travers la couleur et la forme

Le Museum of the African Diaspora a récemment accueilli, jusqu’au 3 mars dernier, une exposition significative dédiée à l’artiste “Joe Sam : Text messages“. Cette présentation a mis en lumière environ 20 œuvres mixtes issues de séries clés qu’il a créées entre 1985 et 2020. Le corpus exposé comprenait des pièces provenant à la fois de la collection personnelle de Joe Sam et de collections privées. Cette rétrospective a permis de mettre en avant le parcours remarquable de cet artiste contemporain, tout en explorant l’essence profonde de sa pratique artistique, reflet de son engagement envers les thèmes qui lui sont chers.

Joe Sam, aujourd’hui décédé depuis le 1er juin, s’est démarquer comme un artiste engagé dont la pratique revêt une dimension profondément réfléchie, invitant à la contemplation des luttes et des héritages des communautés noires. Par ses œuvres, il a réussit à transformer des événements douloureux en témoignages puissants, tout en favorisant un dialogue sur l’identité et la mémoire collective. Sa dernière rétrospective au Museum of the African Diaspora témoigne non seulement de l’importance de son parcours artistique, mais également de la pertinence de son message dans notre société contemporaine. En célébrant et rendant hommage à sa créativité, nous honorons aussi la résilience et la richesse culturelle des communautés qu’il représente.

Erin Jenoa Gilbert in conversation with Artists JoeSam, Dewey Crumpler and Oliver Lee Jackson

Partager cet article
Laissez un commentaire

Laisser un commentaire