Etats-Unis. France. Maroc. Il y a 50 ans, une jeune femme, photographe, capture des scènes et événements de la vie quotidienne autour d’elle au gré de ses déplacements entre ces trois pays. Une quarantaine d’années plus tard, sa fille, devenue elle aussi photographe, la pousse à exposer ses œuvres, sélectionne et traite même les images avant de disparaître tragiquement, victime de la violence et de la barbarie en janvier 2016. Aujourd’hui, cette femme, cette mère réalise enfin le rêve de sa fille. Depuis le 19 janvier, l’Institut Français de Marrakech accueille l’exposition photo « 70’s by Christina » de Christine Alaoui, mère de Leila Alaoui dans la salle de spectacles qui porte son nom.
Le dernier cadeau d’une fille
En janvier 2016, Leila Alaoui, reporter photo franco-marocaine talentueuse vient d’atterrir à Ouagadougou. Presqu’aussitôt après s’être installée à l’hôtel, elle s’occupe de sélectionner, parmi de vieilles photos prises par sa mère, quelques-unes qu’elle estime excellentes pour une exposition et les traite. Le lendemain, dans un mail qu’elle enverra à sa mère, elle lui explique le travail qu’elle a déjà fait et lui dit, ne lui laissant presque pas le choix, qu’elle doit exposer ces photos. Quelques jours plus tard, le 16 janvier, alors qu’elle est assise à la terrasse d’un café dans la capitale burkinabé, a lieu l’attaque de Ouagadougou par deux terroristes. Grièvement touchée, elle succombera trois jours plus tard des suites de ses blessures. Ce mail envoyé à sa mère sera un de leurs derniers échanges, les images sélectionnées pour l’exposition, le dernier cadeau d’une fille si fière du travail de sa mère.
Etant elle-même portée sur l’humanisme, les messages à travers l’image, on comprend aisément en regardant les images exposées pourquoi Leila les a choisies. Elles reflètent en effet une vie, aujourd’hui disparue, un témoignage silencieux mais vivant d’une époque passée. Le monde qu’on y voit n’existe plus aujourd’hui, remplacé presque entièrement. Christine nous invite donc à revivre avec elle ces voyages entre trois continents, photographiés par plaisir, exposés par amour.
Au-delà de la mort, la vie
On pourrait presque penser que l’exposition dans son entièreté a été organisée par Leila. Le nom et les œuvres ont été sélectionnées par elle et c’est à juste titre qu’elle lui est dédié, cinq ans après le drame qui l’a emportée ; un hommage poignant. Photos de familles, paysages urbains, moments capturés, les différentes images rendent compte d’une vie simple et heureuse, souvenirs indélébiles. Guillaume de Sardes, commissaire de l’exposition, dira que « cette exposition permet de mieux comprendre le travail de Leila, puisqu’on retrouve dans les photographies de sa mère le regard tendre qu’elle posait sur le Maroc, son pays ». Il ajoute qu’il s’agit de « photographie vernaculaire, d’auteur et non de photographie plasticienne ». Il est intéressant de noter qu’il avait déjà été le commissaire d’exposition d’un autre événement en rapport avec Leila, « Fragile Poésie » qui était une exposition organisée en 2018 par Christine Alaoui et Maryvonne Lepage en hommage à leurs filles, victimes d’attaques violentes, Leila Alaoui et Camille Lepage.
« 70’s by Christina » est organisée en partenariat avec la Fondation Leila Alaoui. L’exposition est ouverte en libre visite jusqu’au 19 juin 2021, du mardi au samedi de 15h à 18h dans la salle Leila Alaoui de l’Institut Français à Marrakech.