C’est au sein de la Staatliche Kunsthalle de Baden-Baden, en Allemagne, que l’artiste contemporaine Grada Kilomba présente une nouvelle exposition, intitulée « Opera to a Black Venus ». Cette exposition, qui marque sa première présentation intégrale et individuelle dans une institution allemande, offre jusqu’au 20 octobre un aperçu exclusif de son approche singulière de la narration. À travers un ballet immersif de médiums artistiques, elle interroge les notions de violence et de répétition au sein de l’époque post-coloniale.
Les installations sculpturales et sonores de grande échelle, la chorégraphie, la vidéo et la performance s’entrelacent pour proposer aux visiteurs allemands un voyage à travers les différentes facettes de son art. Perçu comme une nouvelle forme de minimalisme post-colonial, son travail se compose d’une harmonie de formes, d’images et de mouvements qui transcendent les frontières des disciplines. Le titre « Opera to a Black Venus » fait écho à l’histoire poignante des Noirs, mettant en lumière leur résilience et leur résistance, tout en offrant une réflexion nuancée sur l’injustice coloniale et l’effondrement écologique.
Pour revenir à la nouvelle commande de Grada Kilomba, « Opera to a Black Venus (2024) » et aussi pièce maîtresse de l’exposition, elle se présente sous la forme d’une installation vidéo saisissante, où un opéra contemporain met en scène une Vénus noire. Ce personnage féminin, situé dans les profondeurs de l’océan, s’élève en oracle, racontant les récits de résilience et de mémoire du peuple noir. L’artiste choisit un décor futuriste, évoquant un environnement désertique qui rappelle l’archéologie de l’existence humaine.
Enrichie d’une ambiance immersive, l’œuvre de Grada Kilomba prend vie au rythme d’une orchestration symphonique mêlant ténors, contraltos et sopranos. Des percussionnistes et des danseurs de ballet s’intègrent à cette atmosphère déjà singulière, conférant à cette création intemporelle une unicité rare. Les éléments multimédias de l’installation – rochers, sable, plantes délicates et pierres – évoquent des vestiges d’une nature vivante, invitant à une réflexion sur les voies de résistance et de survie. Le bateau utilisé par Grada Kilomba est une métaphore visuelle subversive et une interrogation muette de l’artiste pour dire : « Que nous dirait le fond de l’océan demain, s’il était vidé de son eau aujourd’hui ? »
L’exposition « Opera to a Black Venus » abrite également une œuvre inédite, jamais présentée au grand public, l’installation in situ « Labyrinth (2024) ». Cette création, composée d’un agrégat de textiles à grande échelle formant des figures rectangulaires, trace un chemin à travers l’espace de la galerie Staatliche Kunsthalle. L’artiste contemporaine révèle à travers cette nouvelle installation une perspective infinie d’éventualités et d’impossibilités, reliant étroitement la traite transatlantique des esclaves à la lutte persistante pour la liberté, l’espace et le mouvement au niveau mondial.
L’utilisation de tissu en coton souligne l’engagement de l’artiste envers des matériaux naturels et éphémères comme la terre, la pierre et le bois, inscrivant ainsi la matérialité de l’histoire et de la mer comme une archive des politiques violentes. Grada Kilomba met ces éléments métaphoriques en scène pour soulever de nouvelles questions sur notre présent et notre avenir commun, subvertissant le temps et l’espace tout en perturbant la linéarité de la répétition historique.
D’autres œuvres marquantes de l’artiste contemporaine seront également exposées, telles que Table of Goods (2017), Illusions Vol. II, Œdipe (2018), Illusions Vol. II, Antigone (2019), 18 Verses (2022) et Sounds of Water (2023). Ces pièces dialogueront avec de nouvelles créations, établissant ainsi une continuité dans la politique narrative de l’artiste.
Un projet de publication sous forme de catalogue documentera le processus collaboratif entre Grada Kilomba, l’atelier d’artiste et l’institution impliquée dans la réalisation de l’exposition « Opera to a Black Venus ». Cette initiative s’enrichira des contributions d’écrivains invités, tels que Denise Ferreira da Silva (Université de la Colombie-Britannique, Vancouver), Tamsin Hong (Serpentine Gallery, Londres) et Ashish Ghadiali (Radical Ecology & Black Atlantic, Londres).
Opera to a Black Venus (2024) constitue le dernier chapitre d’une trilogie qui a débuté avec l’installation sculpturale et la performance O Barco | The Boat (2021), commandée par la Biennale d’art contemporain BoCa de Lisbonne et la Staatliche Kunsthalle Baden-Baden. L’exposition « Opera to a Black Venus » sera présentée pour la première fois à la Staatliche Kunsthalle Baden-Baden jusqu’au 20 octobre, avant de voyager au Museo Nacional Centro d’Arte Reina Sofía, du 19 novembre 2024 au 3 mars 2025 pour une deuxième exposition.