Jusqu’au 18 octobre, la galerie STEVENSON dévoile un événement artistique inédit dans leur espace à Parktown North et au CIRCA d’Everard Read. « Joburg Hymn », une exposition en deux parties de l’artiste sud-africain Robin Rhode, s’affirme comme une célébration vibrante de la créativité contemporaine. Ce partenariat marquant entre les deux galeries sud-africaines souligne non seulement le talent exceptionnel de Robin Rhode, mais aussi la synergie qui émerge autour de l’art contemporain africain. Les deux espaces offrent une plateforme unique pour mettre en lumière les œuvres de l’artiste tout en rassemblant un public diversifié en quête d’une expérience immersive.
Installé en Allemagne depuis 2002, Robin Rhode propulse son art expérimental dans son studio berlinois, tout en continuant d’interagir avec les murs de Joburg. L’exposition « Joburg Hymn » rend hommage à sa ville natale, un lieu emblématique qui a façonné son cadre artistique. À travers ses nouvelles animations, photographies, peintures et vidéos, l’artiste explore les richesses et les défis du milieu socio-économique complexe de Joburg, enveloppant le spectateur dans ses expériences personnelles tout en évoquant l’inspiration qui façonne son travail.
À travers ses récentes créations, Robin Rhode adopte des approches performatives et absurdes pour rendre hommage à une métropole toujours en renégociation et en renouvellement. Il décrit son exposition en ces termes : « L’exposition est une célébration, mais en même temps j’occupe des espaces de Jozi qui sont en ruine. Le contexte dans lequel j’évolue reflète un discours plus large sur la décadence et l’effondrement des structures et des systèmes en Afrique du Sud. La question que je pose est la suivante : comment pouvons-nous faire face à ces structures en ruine et en même temps leur insuffler une vie ? Comment pouvons-nous créer de nouvelles significations pour des structures qui s’effondrent ? »
Cette vision percutante de l’artiste se déploie sur les deux sites d’exposition. À l’espace CIRCA d’Everard Read, Robin Rhode propose des œuvres vidéo et des animations captivantes, tandis qu’à la galerie STEVENSON, il présente des dessins et des photographies saisissants. Parmi ses animations, des pièces telles que Garden Service, Stage 15, Padel, et Day Zero prennent vie dans des terrains de sport désaffectés du West Rand. Bien plus que de simples compositions abstraites, ces installations de loisirs en déliquescence servent à souligner les effets indéniables du passage du temps sur l’espace géographique.
Dans ses œuvres, Robin Rhode choisit d’utiliser la craie plutôt que la peinture, permettant d’indexer non seulement les ardeurs de l’effacement, mais aussi celles de la réinscription, des thèmes centraux de l’exposition « Joburg Hymn ». À travers cette approche, il invite les spectateurs à repenser notre relation avec les espaces délaissés et à envisager les multiples vies que peuvent revêtir ces lieux en décomposition.
L’une des œuvres maîtresse de cette série, Portrait with Keys, fait référence au roman de 2008 d’Ivan Vladislavić. Pour Robin Rhode, cet ouvrage décrit parfaitement l’articulation de ses propres expériences de la ville. Dans l’œuvre, on voit un personnage naviguer dans un paysage de clés qui, en tant que totems d’accès et de possession, deviennent des portraits distillés de vies individuelles à Joburg. La bande sonore de l’œuvre est d’ailleurs composée par le prodige du piano sud-africain Qden Blaauw pour apporter plus de profondeur à l’animation et offrir aux visiteurs une expérience sonore et visuel immersive.
Un extrait du roman Portrait with Keys de Vladislavić
A Johannesburg, la Venise du Sud, le décor est toujours artificiel. Nous avons planté une forêt que les oiseaux plébiscitent. En guise de collines, nous avons des terrils de mines recouverts d’herbe. Nous n’attendons pas que le temps et les éléments nous abîment, nous changeons nous-mêmes le décor, au gré de nos humeurs. La nature est pour les autres, dans d’autres lieux.
June’s Window et les Jacaranda Vignettes s’affirment comme des œuvres emblématiques de cette exposition, illustrant avec éclat la relation entre Robin Rhode et l’écrivain. La première se déploie sous la forme d’une projection de diapositives, confrontant le spectateur à une scène poignante : l’artiste et un collaborateur armé, en train d’enterrer des dessins dans une décharge minière. Capturée en 2006, cette cérémonie s’articule autour de croquis d’outils domestiques ayant appartenu à la mère de l’artiste, sur une colline artificielle visible depuis la fenêtre de sa cuisine. Ce geste, à la fois rituel et performatif, agit comme un écho historique, reliant le passé et le présent tout en fusionnant le dessin, la performance et la photographie dans une danse visuelle captivante.
Les Jacaranda Vignettes, bien plus récentes, franchissent de nouvelles frontières artistiques et témoignent d’un tournant audacieux dans sa pratique photographique. Chaque pièce unique dévoile un dessin délicat des emblématiques fleurs de jacaranda, superposé à des images monochromes d’alter egos de Robin Rhode animant un mur qui lui est cher depuis plus d’une décennie. Cette série devient ainsi une célébration vibrante des paysages urbains de Joburg, tout en explorant la dualité de l’identité et de l’artifice.
Dans « Joburg Hymn », Robin Rhode transforme l’improvisation et l’imaginaire en un puissant vecteur d’expression face aux réalités de la lutte. Il laisse entendre avec ferveur : « Je considère que mon travail, mon devoir, en tant qu’artiste, est de revitaliser ces espaces. » Par ce cri du cœur, il invite le public à envisager ces lieux en déconstruction non pas comme des vestiges, mais comme des terrains fertiles pour la réinvention et la renaissance artistique.