Jusqu’au 03 mai 2024, la LouiSimone Guirandou Gallery présente l’exposition captivante et philosophique « Cogito ergo… seum » de Sess Essoh. À travers des peintures solaires et colorées, les visiteurs sont invités à plonger dans la passion et la poésie dont l’artiste pare ses créations, leur conférant ainsi une touche d’unicité envoûtante.
Les œuvres de Sess Essoh se refusent à toute classification préétablie. Oscillant entre art abstrait et concret, l’artiste explore un territoire où portraits et symboles semblent indéchiffrables pour les non-initiés, enrichissant ainsi le récit visuel de sa démarche artistique. Cette approche non conventionnelle révèle la liberté totale avec laquelle l’artiste ivoirien donne vie à ses peintures, marquant ainsi l’aboutissement d’un artiste accompli. Chaque œuvre se distingue par des caractéristiques uniques et reconnaissables, tout en conservant une identité propre et singulière.
C’est cette profondeur et cette expressivité qui confèrent à ses créations leur impact saisissant. L’exposition « Cogito ergo… seum » offre un voyage immersif au cœur de l’univers artistique de Sess Essoh, captivant les visiteurs dans un tourbillon de créativité. L’espace artistique est sublimé par de vastes étendues de couleurs pures, mêlant des teintes de rouge, de jaune et de bleu, et jouant avec les textures allant du lisse à l’irrégulier, intégrant des éléments tels que le papier collé, le papier froissé et les tissus. À travers cette combinaison inédite d’éléments, l’artiste transporte le public dans son univers artistique, le séduisant par sa technicité et sa profondeur communicative, sans aucune limite ni réserve.
Malgré la vision optimiste qui transparaît des œuvres de Sess Essoh, celles-ci ne reflètent pas toujours une perception euphorique du monde. Inspirées par les réalités de nos sociétés contemporaines, ses portraits véhiculent parfois des messages d’une tout autre nature, mais sa maîtrise artistique les rend tout aussi subtils et dénués d’agressivité. Des extraits de ses écrits révèlent des clés de souffrances souvent ignorées et tues avec élégance, un regret esquissé parfois, comme dans sa Lettre à Ménélik :
Je te dessine, mon cher fils,
La fresque-frasque de cet idéal
Aux espoirs avortés très tôt
L’évolution de ses séries ou de ses œuvres, aux titres énigmatiques dont le contenu nous échappe, crée une sorte de labyrinthe où s’égarer devient plaisant. Des récits oniriques pourraient surgir des fragments de ses écrits, presque frustrants de par leur inachèvement. Ainsi, Sess Essoh suscite chez le public le désir d’explorer l’intégralité de l’histoire, afin de découvrir la conclusion de cette aventure et les mystères qu’elle renferme. Les œuvres de « Cogito ergo… seum » se révèlent à la fois silencieuses et loquaces, s’adressant uniquement à ceux qui savent les écouter, les entendre et les comprendre, allant au-delà de simples toiles pour les déchiffrer et les percevoir. Cette combinaison d’évidence et de mystère, d’ouverture et de retenue, fascine dans ce travail d’une grande profondeur.
En décembre, Sess Essoh fait l’expérience malheureuse d’un accident. Cet épisode marquant de la vie de l’artiste contemporain a inspiré bon nombre des œuvres présentées dans « Cogito ergo… seum« . Son salut est venu de son désir de vivre, de ce regain de vitalité qui l’a rapidement ramené à sa création. Dans la peinture, Sess Essoh trouve un moyen de survie, d’oublier la douleur et de rester ancré dans ce monde. Papiers, toiles et couleurs entament alors un ballet expressif poignant, révélant l’urgence de son expression, guidé par de multiples points d’interrogation, notamment le pourquoi ? pourquoi moi ? pourquoi maintenant ? pourquoi ici ?
Sa peinture va illustrer ses questions et ses réponses, transcrivant, par la transposition, l’angoisse et la douleur mêlées, la colère parfois, mais aussi la reconnaissance et la résilience de pouvoir encore être en vie. Cette expérience a changé sa perception du monde et par conséquent, les personnages de ses toiles. Pendant cette période, son champ visuel se restreint aux visages des autres patients, des soignants, des visiteurs arborant une mine faussement attristée et compatissante. Un nouvel environnement que Sess Essoh tente de s’approprier, d’interpréter et de transcrire dans ses œuvres.
« Cogito ergo… seum », plus qu’une simple exposition, voit l’artiste ivoirien sortir de sa zone habituelle de création pour nous offrir un témoignage poignant de toute une humanité en situation de détresse : la détresse subie, la détresse à soulager et la détresse à tenter de soigner. Toujours sensible à la condition humaine, Sess Essoh insuffle cette sensibilité dans ses peintures, leur conférant une profondeur, une âme presque humaine. Cette fois-ci à la LouiSimone Guirandou Gallery, bien au-delà du sens humain, l’exposition saisit le spectateur par sa capacité à dépeindre la réalité des inégalités, sociales ou corporelles, les soupirs de résignation ou de douleur insupportable, les murmures des soignants et des visiteurs créant une sorte de mélodie aussi insistante que celle de la marée montante, mi-prière, mi-forme de sublimation des êtres et des choses, ce qui revient finalement au même.
Sess Essoh dépend également l’isolement de celui qui souffre transcende toute présence autour de lui, le laissant seul dans son combat intérieur contre la douleur qui le consume, la mort qui rôde sans distinction d’âge ou de statut social. « Cogito ergo… seum » présente une série de papiers, intitulée « série noire« , dévoilant des profils solitaires ou en duo émergeant d’un chaos de lettres illisibles, de cris inarticulés, un témoignage indicible de leur calvaire. Quelques grandes toiles, teintées de rouge ou de bleu, révèlent les éléments essentiels de son œuvre, où l’artiste parvient à exprimer ses questionnements et ses tourments. Enfin, une immense tenture captivante nous enveloppe, mettant en lumière l’artiste à l’apogée de son génie créatif, de sa virtuosité et de sa maturité artistique.
En contemplant cette collection d’œuvres saisissantes présente à la LouiSimone Guirandou Gallery , nous sommes transportés dans un univers où la solitude, la douleur et la créativité se rencontrent pour offrir un témoignage poignant de l’expérience humaine.