La galerie CHRISTOPHE PERSON présente une exposition mettant en avant deux artistes sénégalais historiques, Amadou Seck et Philippe Sène, qui sont représentatifs de l’Ecole de Dakar. Ce mouvement culturel et artistique est né dans les années 1960-1970 sous l’impulsion de Léopold Sédar Senghor, poète et président du Sénégal. Actuellement, une partie de la collection de ce mouvement est exposée au Musée du Quai Branly Jacques Chirac.
Grâce à la vision de Senghor, le Sénégal s’est rapidement doté d’un dispositif de rayonnement artistique et culturel important dès les premiers jours de son indépendance en 1960. La politique culturelle de Senghor était dirigée vers la production locale de l’Ecole des arts du Sénégal et l’exposition internationale de ces œuvres sous l’égide de la Négritude, un mouvement culturel et intellectuel qui mettait en valeur la culture africaine. Pour encourager cette production artistique, une part importante du budget de l’Etat était dédiée à la culture.
L’Ecole des arts du Sénégal, créée en 1960, était composée de deux sections. La première, la section des arts plastiques, offrait un enseignement classique du dessin, de l’anatomie, de la perspective et de la couleur. La deuxième, la section de recherches plastiques nègres, avait pour objectif la recherche artistique sans l’enseignement des codes occidentaux. Cela permettait de développer un style d’art nouveau et distinct : l’art moderne sénégalais.
Les artistes étaient encouragés à visiter les musées, non pas pour copier les masques, mais pour s’en imprégner et créer une œuvre individuelle.
Les productions de l’Ecole de Dakar se caractérisent par un intérêt prononcé pour l’abstraction, les formes stylisées et décoratives, ainsi que les motifs ornementaux. Les traditions africaines, les masques et les sculptures sont réinterprétés de façon originale pour créer des formes et des motifs « africains ». Contrairement à la production occidentale, on ne retrouve ni natures mortes, ni portraits, ni paysages dans ces productions.
L’Ecole de Dakar et le gouvernement ont diffusé la pensée des artistes à travers plusieurs expositions, notamment le premier Festival des arts nègres en 1966, suivi d’expositions itinérantes en Europe, aux États-Unis et en Amérique du Sud. En 1974, l’exposition « Art sénégalais d’aujourd’hui » s’est tenue au Grand Palais à Paris, synthétisant l’indépendance du pays et les efforts de Senghor pour promouvoir les arts.
En février 2023, l’exposition « Senghor et les arts » s’ouvrira au musée du Quai Branly – Jacques Chirac à Paris, se consacrant à l’action du poète-président et de la génération d’artistes qu’il a aidé à émerger. En 2024, la réouverture du Grand Palais avec « Dakar-Paris 1966 » marquera l’anniversaire, l’ambition et la vision de l’exposition de 1974.
Philippe Sène : Peintre de la tradition millénaire sérère
Né en 1945 à Diouroup, dans la région du Sine Saloum, Philippe Sène peint les éléments d’une tradition millénaire transmise par la parole et vécue au quotidien par quelques rares derniers initiés. Les Sérères ont une vision harmonieuse de l’univers, qui se compose de différents mondes interagissant pour la préservation de la vie. Dans ses compositions, Sène s’efforce de restituer la nature première des relations entre les êtres et les choses en utilisant une subtile composition des formes et des couleurs. La fluidité des compositions, due au trace d’élégantes arabesques, donne du rythme et du mouvement à chaque œuvre. Dans la tradition sérère, la danse et le rythme rapprochent l’homme de la connaissance du sacré et de la transcendance.
D’un côté, la savante imbrication des formes rythme l’œuvre, de l’autre les couleurs apportent équilibre et signification. Les couleurs utilisées, telles que le marron, le vert ou le bleu, ont une signification particulière et sont choisies en fonction de leur relation avec la tradition sérère. Les dégradés sont rares et les effets de matière sont peu utilisés. La couleur de Sène trouve ainsi son emplacement naturel. Tout en faisant évoluer sa technique et son style, Sène ne s’est jamais éloigné de la représentation des traditions orales sérères. Chaque création marque une étape dans l’évolution du peintre et constitue une situation rapportée par la tradition.
Amadou SECK : L’artiste qui a réinventé la poétique des masques africains
Natif de Dakar, Amadou SECK vient d’une famille de jardiniers wolofs installée depuis des générations dans la presqu’île du Cap Vert. Depuis son plus jeune âge, il dessine des portraits stylisés sur les murs du quartier qu’il nomme « portraits déformés ». Avec l’acquisition de ses premiers carnets, il comble aussitôt ses pages d’esquisses et de personnages multiples. Alors qu’il est encore lycéen, il décide de se consacrer exclusivement à la peinture, malgré les réticences de sa famille. Refusant de se conformer aux conventions établies, il intègre l’École Nationale des Arts de Dakar de Pierre Lods en 1965.
De 1965 à 1970, Amadou Seck explore sa créativité dans un climat de grande liberté, s’appuyant sur les repères, sujets et thèmes du patrimoine national et africain. Il développe son style personnel, acquiert des techniques et affine sa formation académique.
La poétique des masques est l’un des développements artistiques d’Amadou Seck. Il s’inspire de la grammaire implicite des formes des masques baga, dogon, sénoufo, ashanti… pour traduire l’ironie, l’allégresse, la superstition, la fantaisie ou le rythme, et donner vie à toutes les formes plastiques des masques africains.