Du 15 juillet au 2 octobre 2021, l‘École d’Architecture de Nantes propose une série d’événements culturelles et scientifiques analysant la place des femmes dans la fabrique de la ville en Afrique. Ce temps fort, baptisé « Afrocity, urbanités enchantées », interroge l’Afrique contemporaine et dresse un portrait rafraîchi des espaces urbains qui la composent à travers des temps forts et échangent avec des questions instructives qui s’ouvrent en grande partie au public curieux de découvrir la relation des femmes aux espaces villes africaines.
« Afrocity, urbanités enchantées » propose également une exposition pour rendre compte du travail et des revendications des femmes dans les différents territoires du continent africain.
Présentée dans la Galerie Loire du 15 juillet au 2 octobre 2021, cette exposition collective propose une réflexion sous différents thèmes à travers un dialogue entre les œuvres des artistes tels que Mabeye Deme, Danièle Diwouta-Kotto, Jean-Baptiste Joire, Katia Kameli, Keyezua, Milka Mbunga Kongi, Joseph Obanubi, Wura- Natasha Ogunji, Selly Rabi Kane, Hector Sonon, Ina Thiam, Guy Tillim, Theresa Traore Dahlberg, Cléophée Moser, Womenability, Charlotte Yonga, Zeinixx.
L’objectif de l’exposition « Afrocity, urbanités enchantées » est de mettre en lumière ces femmes qui participent au féminisme à l’Africaine et intensifié les actions initiées par de nombreuses autres femmes : artistes, urbanistes, activistes, militantes, etc.. Cette convergence de voix, de conditions et de cercles fait émerger un ensemble ahurissant d’actrices, se pliant ici et là à des logiques de non-conformité et de désobéissance, évoquant parfois la question de la citoyenneté et de la responsabilité.
« Afrocity, urbanités enchantées » veut raconter, archiver et esquisser une histoire actuelle pour que demain, l’engagement des femmes dans le développement du territoire africain ne soit pas oublié. Donner la parole à celles qui font la ville et son quotidien en s’appuyant sur la création artistique africaine et de sa diaspora.
« Afrocity, urbanités enchantées » est une porte d’entrée où les femmes africaines, et quiconque prétend l’être, peuvent participer à la construction d’un avenir plus inclusif.
C’est une exposition aux sujets multiples. Entre l’examen de l’actualité actuelle et les corps féminins, ou quelques fois l’influence de ces femmes dans nos capitales et communauté urbaine en développement. « Afrocity, urbanités enchantées » est à la fois un éloge des femmes et de leur rôle, mais aussi un examen des conditions dans lesquelles elles avancent. Cette exposition croise les regards, les impressions, les discours de fond et leurs lignes d’horizon inexistantes dans un espace et interroge chaque visiteur.
URBANITES EN CHANTIER
Sauvage, intrigante, solidaire, agréable ou de façon inattendue, tyrannique, tumultueuse, antagoniste… Autant de descripteurs innombrables appliqués aux femmes comme aux villes urbaines africaines et qui, pour chaque situation, font davantage allusion à des projections qu’à une quelconque réalité.
Projections qui sont abordées dans l’exposition « Afrocity, urbanités enchantées » pour peindre les communautés urbaines et ceux qui les pensent, les construisent et les font vivre.
Ce pan de l’exposition enquête sur l’Afrique et dresse un portrait des zones urbaines qui la composent, elles-mêmes représentées sans contrainte, désinvoltes ou dans l’urgence. Cette vision extérieure obscurcit la présence d’activités, de créations, de réexamens et de changements qui accélèrent les zones contemporaines. Au cœur de l’assiduité ou du développement de ces éléments, la coopération des femmes est régulièrement ignorée. En se concentrant sur cette minorité sociale, les réflexions menées dans diverses régions entendent faire ressortir leur engagement en faveur de la reconnaissance d’une Afrique du concevable qui n’est pas encore reconnue, mais qui se produira.
Cette esquisse brosse un tableau des communautés africaines d’aujourd’hui et se donne pour objectif d’envisager celles de demain. Offrir un aperçu des dynamiques métropolitaines africaines produits et véhiculés par des femmes.
OCCUPER LA PLACE
En effet, aujourd’hui encore, l’esprit créatif agrégé relègue généralement les femmes africaines à des endroits limités et stéréotypés, comme la cuisine ou le marché. S’il est vrai que certains endroits sont plus genrés que d’autres, comme dans de nombreuses régions, il est inapproprié de réduire leur essence à cette perception.
Les femmes sont dans la ville, et contribuent au développement socio-économique de nombreuses nations africaines. Certes, l’accès à la formation, les migrations provinciales massives, le développement de l’éthique, et de plus en plus dans le monde, la mondialisation, ont bouleversé leur situation. Elles se sont libérées du rôle de mère, ont adopté une autonomisation social et politique, et ont développé des activités financières.
Depuis les années 1980, de nombreuses femmes se sont déplacées vers la ville, devenant de plus en plus la majoritaire dans les villes africaines. Ce nouveau statut des métropolitaines révèle un mélange exceptionnellement hétérogène de profils : elles sont étudiantes, visionnaires, femmes d’affaires, jeunes et moins jeunes, célibataires ou séparées. Cette nouvelle condition implique qu’on ne les trouve plus dans l’économie informelle en journée, le soir devant le patio de leur maison, ou encore le soir sur les trottoirs. Les femmes africaines se défendent, se déplacent dans différentes villes, faisant ainsi la garantie d’une équité réformiste.
A l’ASSAUT DE LA RUE
L’exposition « Afrocity, urbanités enchantées » propose une excursion entre les différents lieux emblématiques des luttes féminines. De même que les doléances sont plurielles et explicites à chaque époque et société, les supports pour l’activisme sont variés. La manifestation comme élément de revendication et d’articulation est loin d’être une première. En Afrique du Sud, la marche des femmes de 1956 a joué un rôle important dans la création d’un appel contre la restriction des femmes à leur région. Ce dernier modèle ancre le contrôle de l’espace public par les femmes dans une perspective authentique plus large et montre à quel point les femmes se sont battues pour conserver leurs libertés d’accès à la ville.
Cette occupation par les femmes n’est pas assez perceptible pratiquement immédiatement effacées. L’appropriation de la rue par elle laisse place à un activisme plus fort ou plus imaginatif : graffeuses, artistes ou photographes contribuent véritablement et de manière emblématique à ce que les espaces des villes témoignent de leur qualification. Des responsabilités différentes sont reconnues à travers des pratiques plus quotidiennes et individuelles : les coupes de cheveux ou l’imagerie des textures sont également des éléments utilisés pour dénoncer la persécution, dans certains cas pratiqués entre les femmes elles-mêmes. Dans ce sens, les femmes africaines ont obtenu une autre réverbération et la brandissent pour montrer un droit des femmes qui ne dit pas son nom.
LA VIE SANS ARRET
En arrivant dans une grande ville africaine, on est vite agressé par la clameur de la circulation et la progression perpétuelle de la foule. Les sons, les odeurs et les images dépeignent des espaces de circulation en pleine transformation.
Les communautés urbaines africaines sont en contact direct avec le monde : nous y discernons les métiers du commerce, du transit et de l’information qui dépeignent les zones urbaines actuelles.
Dans ce cadre et en constante évolution, la polyvalence des femmes est une question cruciale. Il existe de nombreuses enquêtes sur la mobilité métropolitaine, mais la grande majorité d’entre elles dépendent de l’information, par exemple des trajets matin et soir aux heures de pointe.
Le continent africain a le rythme le plus élevé d’investissement dans la main-d’œuvre féminine, mais de nombreuses femmes sont dans les affaires. Les femmes qui travaillent dans des entreprises privées se déplacent en général en dehors des heures de pointe ou pendant les heures de pointe, mais elles transportent tous leurs produits dans des véhicules bien remplis. Dans les deux cas, l’offre de véhicules n’est pas adaptée à leurs besoins. De plus, ces procédures laissent régulièrement de côté une partie importante des déplacements des passants, entraînant l’intangibilité des déplacements, et de manière détournée, de leur travail.
Face à cette situation, les femmes des grandes villes ont développé une polyvalence imprévisible, des distances, des horaires ou des motifs, pour avoir la possibilité d’accomplir simultanément leurs exercices familiaux, professionnels et locaux. Le résultat est une émancipation et un réaménagement social qui n’est pas toujours très bien perçues chez les hommes, comme le montre la réaction des chauffeurs aux Taxi Sisters de Dakar.
L’admission des dames à la mobilité délimite un développement progressiste des relations d’orientation sexuelle et contribue à leur autonomisation. Si ces éléments se construisent en général, ils ne doivent pas occulter l’effet du niveau social sur l’accès à la mobilité.
ABATTRE LES MURS
Comme dans de nombreux espaces, les femmes ont souvent été exclues des appels politiques et techniques, laissant aux hommes le soin d’assumer les rôles de pouvoir. En tout état de cause, l’ensemble des expériences et la reconnaissance de la coopération des femmes en tant qu’actrices du développement ont été pendant longtemps niés.
Sur le plan politique, dans les ordres sociaux anciens, les femmes africaines étaient disponibles et dynamiques, mais souvent cantonnées à des situations subalternes et moins estimées, comme guides et alliées.
Il existe quelques exceptions, depuis toujours, comme le soulignent les récits désormais légendaires de certaines figures féminines, par exemple la souveraine Nzinga de Ndongo au XVIe siècle ou la souveraine Pokou de Côte d’Ivoire au XVIIIe siècle.
De nos jours, l’intrusion des femmes dans un « faire ville » est reconnue. Le Rwanda est la nation significative de ces nouveaux éléments d’engagements politiques : en 2021, les femmes sont en majorité dans les postes de ministre et à la chambre des députés.
Ce modèle délimite la féminisation continue des fonctions, qui est également présente dans le domaine de l’aménagement et du développement métropolitain. Les fonctions d’experts, de concepteurs et de planificateurs ont été séparées par une redistribution des genres dominants depuis le début du millénaire.
Ainsi, les dames africaines possèdent la ville, mais sont en même temps dynamiques dans sa création, produisant des activités plus complètes en raison de la proximité du segment social, des difficultés culturels et politiques.
LIEUX DE VILLE
Réputées pour leurs échanges informels, les villes urbaines africaines connaissent un développement qui modifie leur conception et la manière dont leurs occupants, y compris les femmes, y vivent. En dehors de l’espace domestique, les femmes se retrouvent sur les trottoirs avec leurs « cantines » et quelques fois dans les marchés.
Cette jonction d’expériences et ce métissage ont favorisé la création d’éléments d’entreprise et un réseau du commun féminin qui a donné naissance à des figures, comme les Nana Benz, ces femmes d’affaires togolaises qui ont fait fortune dans la vente du tissu Wax. Pour elles, ce moteur vient de la nécessité de subvenir à leurs besoins et ceux de leur famille. Cela explique également pourquoi de nombreuses femmes sont gérantes de bars, bien que leur essence dans ces espaces en tant que clientes ne soit généralement pas évidente. En tout état de cause, l’accès à ces lieux de vie nocturne est de plus en plus équitable.
Si l’amélioration des communautés urbaines a d’abord préféré l’inclusion des femmes dans les structures informelles, celles-ci sont aujourd’hui à l’origine de la pérennité des zones urbaines dont elles sont les nourricières.
Après les échanges et le travail des femmes dans le développement financier des zones urbaines, l’action politique de ces femmes a été limitée pendant un certain temps. La force monétaire et l’autonomie obtenues par ces femmes ont provoqué un bouleversement des pratiques coutumières, entraînant leur renforcement et l’affirmation de leur présence.
En tant que territoire en perpétuelle mutation, les villes urbaines africaines ont besoin de meilleures approches, de nouvelles conceptions conviviales et de nouvelles possibilités. Ces changements politiques, sociaux et sociétaux s’inscrivent pour être véritablement enregistrés dans l’espace de la rue. L’espace public, s’il est généralement peuplé de femmes, ce qui est plus fréquent dans les villes africaines, reste inscrit dans l’histoire des hommes : les repères publics et les noms des routes sont pour la plupart masculins.
BACK TO THE FUTURE
Il faut revenir au milieu des années 1950 pour comprendre l’idée de l’afro-futurisme. Initialement envisagée dans un cadre afro-américain, la pensée a été théorisée par Mark Dery en 1993 dans son essai « Black to the Future », mais elle trouve son origine dans la figure de Sun Ra, un jazzman des années 1960 qui se présentait comme un pharaon et affirmait venir de Saturne.
Sur le continent, l‘afro-futurisme offre un espace de réflexion pour reconsidérer l’Afrique à partir de cosmologies non-occidentales et s’attrivuer l’histoire qui a été racontée depuis très longtemps par d’autres.
Une idée difficile à caractériser, l’afro-futurisme n’est pas réellement un mouvement artistique, il réunit des artistes avec des styles complètement différents et venants de différents horizons comme l’écriture, la musique, le design ou les expressions visuelles.
Ces artistes partagent à toute fin utile la volonté d’échapper à une image de l’Afrique liée aux coutumes et à la nature plutôt qu’au progrès et à l’urbanisation.
Il s’agit de montrer comment ces concepts coïncident et vivent ensemble pour créer des zones urbaines plus inclusives, en phase avec les facteurs réels et les personnalités plurielles des individus qui y vivent. En consolidant la réflexion métropolitaine et l’esprit créatif, les artistes questionnent des idées complexes comme le rapport à l’histoire, en particulier l’histoire précoloniale, l’inclusion et la diversité.
Faisant la part belle à l’innovation, l’afro-futurisme réunit des histoires et des transitions contre lesquelles on s’est longtemps battu pour réévaluer les personnages africains, à l’image du Wakanda du film Black Panther.
Aujourd’hui, des projets urbains sont encouragés et s’appuient sur l’ingénierie vernaculaire africaine et les dernières avancées innovantes, comme la nouvelle ville de Yennenga au Burkina Faso, qui porte le nom d’une princesse amazone. La ville a été conçue pour agir de manière autonome grâce à l’énergie solaire et les architectes ont décidé d’inclure des arbres et de la nature existante pour le projet d’aménagement en construisant autour d’eux.
Autres programmations
L’exposition « Afrocity, urbanités enchantées » est ouverte jusqu’au 2 octobre 2021 à l’École d’Architecture de Nantes et propose en outre une programmation et des rencontres corrélatives comme la rencontre « Artefacts et interfaces », prévue le mardi 21 septembre 2021 et une soirée de rencontres et de découvertes autour des femmes et des enjeux contemporains le 29 septembre 2021, qui proposera des projections, des tables rondes et des visites de l’exposition.
Ce programme est conçu comme une équipe avec des associations locales et des personnes de la diaspora africaine, de sorte que l’exposition ne reste pas liée aux cloisons de l’école d’ingénieurs, mais ouvre un échange avec la ville de Nantes et ses habitants.