« Waiting for Gebane » : un regard sur les conditions des femmes noires sud-africaines par l’artiste contemporaine Senzeni Marasela

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Waiting for Gebane
Waiting for Gebane

Dans son exposition personnelle « Waiting for Gebane », l’artiste sud-africaine Senzeni Mthwakazi Marasela aborde l’histoire des femmes sud-africaines. Arborant le rôle de Theodorah Mthetyane, elle utilise la broderie, les textiles, la peinture et la photographie pour lever un coin de voile sur la condition d’attente de cette dernière pendant six ans. Elle se base sur l’histoire de l’attente après le départ de son mari Gebane Hlongwane qui rejoignait Johannesburg à la recherche du mieux-être.

Pour imager, l’homme en partant de sa maison remis une robe ishweshwe à son épouse pour symboliser la continuité de leur union en son absence. Il s’agit d’un vêtement qui témoigne de la sacralité de la vie conjugale dans la culture Xhosa. En attendant son retour, Theodorah devra mettre cette robe quotidiennement pour signifier fidélité à son homme. Mais le séjour prolongé de son compagnon oblige Theodorah à se lancer à sa recherche.

« Waiting for Gebane » : un regard sur les conditions des femmes noires sud-africaines par l’artiste contemporaine Senzeni Marasela
Senzeni Marasela, Waiting for Gebane. Installation view: Zeitz MOCAA, 2020.

Profondément touchée par la mésaventure de Theodorah, l’artiste Senzeni Mthwakazi Marasela décide de refléter cette condition féminine de sa communauté. C’est ainsi que comme Theodorah, Senzeni Mthwakazi Marasela arpente la même robe rouge dans son travail.

À travers ses créations, Senzeni Mthwakazi Marasela revient sur le calvaire des femmes sud-africaines, en commençant par celles de l’époque de sa grand-mère, ayant traversé la période dite de « poussière rouge », période marquée par les conflits, les injustices et les inégalités qui traumatisaient le quotidien des Noirs en Afrique du Sud. C’est également, la période au cours de laquelle le pays est frappé par une sécheresse induite par l’impact des travaux dans les mines d’or de Johannesburg au cours de la Seconde Guerre mondiale.

Elle évoque dans son travail les douleurs et les difficultés traversées au cours de cette période, et met en lumière les non-dits de l’histoire comme les tortures endurées quotidiennement par les noirs au cours de cette période.

« Waiting for Gebane » : un regard sur les conditions des femmes noires sud-africaines par l’artiste contemporaine Senzeni Marasela
Senzeni Marasela, Waiting for Gebane. Installation view: Zeitz MOCAA, 2020.

Son regard critique ne se limite pas uniquement à l’attente de Theodorah. Senzeni Mthwakazi Marasela dresse de sombres biographies de l’attente d’autres femmes telles que Winnie Madikizela-Mandela, Sarah Baartman, ou Miss Havisham. Elle fait aussi usage de termes dépréciatifs et racistes afin de rétablir l’histoire de l’apartheid.

L’artiste fait ressortir aussi l’aspect culturel du tissu qu’utilise les prisonniers pour se couvrir. Également présent dans l’histoire mythologique des rois Xhosa, ce tissu à usage domestique, est utilisé pour faire des rideaux à l’entrée des maisons ou pour confectionner des tenues funéraires dans les rituels culturels Xhosa.

Senzeni Marasela

« Waiting for Gebane » : un regard sur les conditions des femmes noires sud-africaines par l’artiste contemporaine Senzeni Marasela
Senzeni Mthwakazi Marasela

Artiste plasticienne, Senzeni Mthwakazi Marasela utilise plusieurs médiums pour exprimer son art : performance, photographies, vidéos, estampes, textiles et broderies. S’inspirant de l’histoire de sa mère, elle initie et met en œuvre en 2003, le projet intitulé : « Theodorah vient à Johannesburg » où, à travers une performance, elle relate les expéditions de sa mère de la zone rurale de Mvenyane pour Johannesburg.

Désireuse de rendre hommage à toutes les femmes victimes des migrations imposées par l’apartheid, elle consacre son travail à la mise en lumière des phénomènes sociaux et historiques, avec un accent particulier sur la question d’urbanisation.

L’utilisation de la couleur rouge dans son travail est pour elle, la manière de pouvoir évoquer l’époque de la « poussière rouge ». Un coup de projecteur est mis sur les traits caractéristiques de la vie contemporaine en Afrique notamment mode et identité sud-africaine.

Ayant intégré le pavillon de Johannesburg à la 56ème Biennale de Venise en 2015, elle acquit une réputation internationale et ses œuvres font désormais le tour du monde. L’exposition « Waiting for Gebane » est ouvert au Zeitz MOCAA-Museum of Contemporary à Cape Town en Afrique du Sud  jusqu’au 29 Août 2021.

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