Portrait de l’artiste sculpteur béninois Marius Dansou…

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Marius Dansou est un artiste sculpteur béninois qui travaille principalement le bois et le métal pour créer des coiffures, des visages… des vies. Éclectique et engagé, Marius ne se définit pas comme un artiste africain, mais plutôt comme un artiste, tout simplement. On Art Media est allé à la rencontre de ce créatif au parcours et à la vision atypiques.

Artiste depuis l’enfance

Né le 12 janvier 1984 au Bénin, Marius Dansou a commencé à laisser parler sa créativité dès son enfance. À l’aide du marteau et des tournevis de son père, l’artiste en herbe réalise ses premières œuvres d’art sur des planches de bois qu’il ramène chez lui après ses cours. Un jour, alors qu’il bidouillait dans un coin de sa maison, il attire l’attention de l’artiste Zinkpè (Dominique Zinkpè), ami proche de son père.

Très vite, l’homme le prend sous son aile et l’accompagne dans ses premiers pas dans son atelier. Travaillant aux côtés de nombreux artistes en tant qu’assistant, il apprend les rouages de la peinture artistique. Sa première œuvre artistique est donc une toile. Elle fut achetée par un passionné qui passait simplement devant l’atelier de Zinkpè.

À la fin de ses études, Marius s’éloigne un peu de la peinture et s’oriente vers les arts plastiques, avec un attrait tout particulier pour le travail du bois et du métal. Ce sera sa marque de fabrique ! Ce choix original confère à ses travaux, une identité unique. Associant chutes de bois de pirogues et fer à béton, les créations de Marius Dansou représentent des visages, des formes diverses, mais aussi et surtout des coiffures et des tresses africaines.

Très actif, Marius Dansou a déjà participé et organisé plusieurs expositions au Bénin et dans d’autres pays de la sous-région comme le Togo, le Nigéria et la Côte d’Ivoire. Mais son travail est également connu hors du continent grâce aux divers événements auxquels il a participé : ateliers d’artistes à Belleville à Paris, expositions à la galerie Vallois, en Belgique ou encore à Londres.

Au micro de la rédaction de On Art Media, l’artiste béninois parle d’identité culturelle, de philosophie artistique, de ses sources d’inspiration, de ses rêves et de ses projets.

Interview de Marius Dansou

Interview de Marius Dansou, artiste sculpteur béninois

On Art Media: Bonjour Marius Dansou

Marius Dansou : Bonjour

On Art Media: Alors, dites-nous, pourquoi la rencontre du bois et du métal ?

Marius Dansou : Pourquoi cette rencontre ? Je ne sais pas, je ne peux pas donner une explication fixe à cela. C’est comme quand tu sors de chez toi un matin et que tu rencontres une belle femme dans la rue… Est-ce que tu t’y attends ? Non, je ne crois pas. Je pense que la rencontre s’est faite seule et après, je l’ai épousée par rapport à ma sensibilité. Je pense que c’est beaucoup plus ça. C’est le cœur qui parle…

On Art Media: Ton art a-t-il une identité spécifique ?

Marius Dansou : Une identité propre… Si par exemple, je devais me présenter, je dirais que je suis un sculpteur, performeur et installateur.

On Art Media: Comment définis-tu ton art ?

Marius Dansou : Je suis contre les catégorisations. Pour ces questionnements, je dis que je suis artiste, tout simplement. Le fait de dire que je suis artiste africain, je ne sais pas : est-ce qu’on a besoin de confirmer l’identité pendant qu’on a déjà une identité ? C’est un rajout et donc, ça n’a pas de sens. Je me présente en tant qu’artiste et que je sois noir, blanc, jaune ou rouge, je ne vois pas de différences.

On art Media: Qu’est-ce qui provoque ton déclic de création ?

Marius Dansou : Je pense que je définis l’art comme ma vie. L’art, c’est ma vie, c’est ce que je ressens. C’est ce qui est à l’intérieur de moi. Je peux définir cela comme un déclic. C’est ce que je ressens, ce sont mes ressentis.

On Art Media: C’est quoi la différence entre l’amateur et le professionnel ?

Marius Dansou : Je ne vais pas parler de différence, mais je parlerai plus de continuité, d’une suite. Toute chose a un début et c’est le début qui m’a amené à la sculpture. C’est vrai que j’ai commencé par la peinture, mais après, par rapport aux questionnements personnels, je me suis dit en tant qu’artiste : «  la peinture, ce n’est vraiment pas mon truc ». C’est vrai que la première œuvre que j’ai vendue était une peinture. Mais là, je ne fais pas du tout de la peinture ; ce n’est que la sculpture, ça a pris le dessus.

On Art Media: Pourquoi ce lien avec la coiffure dans ton travail ?

Marius Dansou : Le changement, je le sens quand je fais des expositions, surtout avec mes sculptures tresses. Les gens se retrouvent dans les coiffures, c’est à dire le délire de la coiffure, et dans le délire de la liberté, parce que je parle aussi de liberté dans mes sculptures. Par contre, les gens sont bloqués à un moment donné. Je suis confronté à des questionnements comme : « je bosse dans l’administration, mais je ne peux pas porter ça pour aller au boulot ». Les gens voient donc le côté extrême de la chose et c’est cette audace que je mets dans les sculptures.

On Art Media: Un rêve d’artiste qui inspire ta création…

Marius Dansou : Dans mes travaux, je me suis inspiré de Ojeikere qui est un très grand artiste photographe que j’aime beaucoup. J’avais un rêve : faire une exposition avec lui. J’ai même été à Lagos exprès pour ça. Malheureusement, l’année où le truc devait se faire, il est décédé.

Pour en revenir un peu à mes inspirations, je pense que ce qui m’intéresse dans la coiffure et dans les cheveux, c’est la texture, l’esthétique et la beauté des cheveux. C’est ça qui est assez intéressant. Après, je ne me suis pas bloqué. Aujourd’hui par exemple, je ne parle plus de la tresse. C’est vrai qu’au départ, jeme suis inspiré de la tresse africaine, mais aujourd’hui, je parle plus des cheveux parce que je ne veux pas donner une identité trop restreinte à mon travail. Du coup, je peux m’inspirer de la coiffure asiatique, américaine, européenne, etc. J’aborde plus le sujet des cheveux.

On Art Media: Un souvenir de ton passage à l’école de Zinkpè ?

Marius Dansou : Disons que chez Zinkpé, c’est pour moi une école. Dans cette école, dans cet atelier, il se passe beaucoup de choses. Ce que j’ai trouvé assez intéressant là-bas, c’est que si tu as le truc dont on parle, tu viens, tu prends et tu pars. Zinkpè, c’est un artiste que j’adore, que j’aime beaucoup et il est dans son monde à lui. Maintenant, tu ne viens pas l’embrouiller dans son monde. Viens dans son monde prendre ce que tu as à prendre et tu pars.

On Art Media: À quel niveau en est le projet « L’art dans les villages » ?

Marius Dansou : Je pense que c’est un projet assez intéressant parce que ça parle beaucoup plus d’amener l’art dans les milieux où les gens ne s’y attendent pas forcément. Même à Cotonou, quand tu parles de l’art, des fois, c’est limité, même pour des gens qui ont un certain niveau et qui se disent assez intellectuels. Mais bon, c’est vrai que l’art n’est pas accessible à tout le monde. Par contre, ce projet dans les villages permet de décentraliser un peu. De plus, pour nous les artistes, cela permet d’aller à la rencontre de ces gens qui n’ont rien avoir avec l’art. Pour moi, le regard et le discours de ces personnes sont touchants. Des fois, cela nous nourrit en tant qu’artistes.

On Art Media: Selon vous, quels sont les besoins des artistes pour le développement de l’art ?

Marius Dansou : En parlant de ça, je pense que les artistes ont besoin de lieux d’expression, de galeries. Nous avons besoin de sortir nos œuvres de nos ateliers. On a vraiment besoin d’espaces d’expression, des galeries qui respectent les normes, pas une chambre à coucher comme salle d’exposition. Je pense que l’artiste a déjà fait le boulot, le travail est là. Aujourd’hui, quand tu prends un artiste comme Romuald Hazoumé et que tu veux faire un focus sur lui, le travail est là. Il y a déjà de la matière. L’artiste a déjà fait le boulot. Maintenant, c’est à vous de faire le vôtre !

Retrouvez l’interview vidéo sur la chaîne Youtube de Onart Media

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