La Galerie Cécile Fakhoury d’Abidjan accueille Elladj Lincy Deloumeaux pour sa nouvelle exposition personnelle intitulée “Au-delà du jardin, il y a la mer’’. Jusqu’au 28 décembre, la galerie présente des portraits nostalgique de l’artiste dévoilant un regard lointain parfois perdu devinant les immensités du monde à l’horizon ou parfois tout simplement introspectif.
Né en 1995 en Guadeloupe, Elladj Lincy Deloumeaux organise à travers son art un voyage pictural saisissant qui entremêle ces expériences personnelles mais également les récits du monde pluriel. Dans un visuel immersif, il entraîne le public dans un univers singulier peupler de ses souvenirs d’enfance, d’adolescences et de ses histoires familiales à la frontière du réel et de l’imaginaire.
Pour revenir à l’exposition ‘’Au-delà du jardin, il y a la mer’’, l’artiste contemporain tout au long de son parcours à évoluer dans un environnement multiculturel. Entre son pays natal, et ses résidences côtières à Dakar en passant par la Côte d’Ivoire ou le Grand Bassam, sa pratique créative s’est imprégner de ce brassage culturel propre aux eaux de l’Atlantique noir, un terme faisant référence à l’ouvrage L’Atlantique noir. Modernité et double conscience de Paul Gilroy.
Dans cette exposition, Elladj Lincy Deloumeaux présente la mer tel un symbole de l’infini et du mouvement. Elle devient ici une métaphore de la mère et de la terre-Mère, évoquant la maternité, la protection et la transmission. Figure centrale de l’œuvre, elle devient un lieu de mémoire et d’origines, où l’artiste se connecte à ses racines tout en regardant vers l’inconnu. En effet, fonde sa pratique de l’art autour de ce point nébuleux, le besoin, la volonté de rester ancrer à une ancestralité matricielle. Une identité traditionnelle composée des rites passés et secrets en perpétuelle renouveau pour une quête de sens contemporaine.
Son travail propose également une exploration des multiples facettes de la couleur noire qui pour lui porte un poids symbolique. Au-delà d’une couleur de peau, elle porte une lourde interprètation culturelle selon la position géographique. À titre d’exemple, elle symbolise dans différentes spiritualités afro-caribéenne et indienne une couleur divine, le symbole du baiser du soleil, le noir charbon.
Couleur primordiale et cosmique, lieu de la création et de la destruction, le noir est la composante essentielle des dessins d’Elladj Lincy Deloumeaux, dont le format rappelle des photographies d’identité. Un détail qui revient dans l’exposition ‘’Au-delà du jardin, il y a la mer’’ pour encore une fois témoigner de cette riche appartenance.
L’artiste contemporain travaille ce ton par superposition de textures plus épaisses et plus fines, laissant place à des aspérités qui font écho à la complexité et la pluralité de l’identité des personnes peintes. En quête d’une vérité et non d’une perfection il laisse volontairement la trace de son processus artistique, la peinture en train de se faire, comme l’indice que toujours tout est et que tout advient. Au-delà du physique, au-delà du tangible, la peinture d’Elladj Lincy Deloumeaux est celle d’une pensée grande ouverte, celle de la pensée en partage.
L’exposition « Au-delà du jardin, il y a la mer » est un parcours, une exploration autant physique que spirituelle, qui interroge la question du chez-soi et du rapport à soi dans le monde. L’artiste représente cette dualité, enracinement et ouverture, à travers le motif des jardins créoles (en référence à Patrick Chamoiseau et son ouvrage Texaco. 1992). Le jardin représentant un espace intime, protégé et familier, un lieu d’autonomie et de mémoire collective.