Colonialisme, communauté, autonomisation, ce sont des notions aborder par l’artiste contemporaine Sonia E. Barrett dans son exposition “Sculpting More Community“. En collaboration avec une association de co-créateurs, elle présente jusqu’au 13 janvier 2024, une installation grandiose et pertinente sur le site d’exposition alpha nova & galerie futura de Berlin. Interrogeant la division coloniale mondiale ainsi que les thèmes cités plus haut, l’artiste contemporaine dévoile une réalisation peu commune fait de cartes en papier exprimant de façon claire et innovante sa perception du sujet.
Originaire de la Jamaïque et de l’Allemagne, Sonia E. Barrett grandit dans différentes régions du monde notamment l’Angleterre, la Chine et la Chypre. Elle ressort diplômée de l’Université de St Andrews et du Transart Institute tous deux localisées au Royaume-Uni et fut boursière MacDowell ainsi que récipiendaire de l’allocation de la Fondation Boss Harlan. Dans « Sculpting More Community », Sonia E. Barrett s’intéresse aux cartes, du fait de leur matérialité et de leur usage pour démontrer notre connaissance géographique du monde.
Il s’agit d’instruments non représentatifs d’une réalité objective de par leur caractère simpliste et généraliste. Les cartes ont donc une connotation beaucoup plus politique leur déférant une grande influence grâce à leurs capacités à définir des espaces, des relations et même des conditions. En mesure d’inclure et d’exclure, son usage stratégique va plus loin que la période de la colonisation européenne. À travers la carte du monde comme objet et matériau, l’artiste jamaïcaine allemande souhaite asseoir des moments de collectivité et d’échange immersifs entre plusieurs individus aux appartenances variées.
Un atelier a été conçu pour l’occasion, par et pour les femmes noires et les femmes de couleur, à travers lequel émerge une sculpture contemporaine imposante faite à partir d’environ 40 cartes en papier haché. Certaines des cartes utilisées pour la réalisation de l’œuvre sont anciennes et rappellent la division dictatoriale occidentale du monde. Cette présence absolue des grands occidentaux prend racine pendant le colonialisme et la période oppressive de nombreuses régions du monde par les puissances européennes depuis le XVe siècle et dont les suites néfastes de racisme, d’inégalités sociales, et les régimes frontaliers rigides des États-nations conduisent à l’actuel postcolonial.
Cette action autodéterminée de déchiqueter des cartes et de les reconstruire en une sculpture, agissant au sens propre comme au figuré comme un large réseau, permet de crée de l’espace et du temps pour réinventer et reconfigurer les cartes et, par implication, les mondes qui les produisent. La technique pour reconstruire ses lambeaux de papiers se base sur des pratiques de soin et de beauté utilisées dans les communautés de femmes noires, pour tresser ou réaliser des dreadlocks avec les cheveux.
En lien avec l’échange et la conversation, les participantes au projet « Sculpting More Community » de l’artiste Sonia E. Barrett opèrent au-delà des contraintes des normes de beauté fameuse. Les cartes sont alors tressées en lieu des cheveux, offrant un espace où les expériences, les connaissances et les compétences sont interactives et partagées et où d’autres façons d’être et de savoir sont pratiquées.
Le travail de Sonia E. Barrett a été exposé dans bon nombre de galeries, dont l’OCCCA California, le nGbk Berlin, The Format Contemporary à Milan et la Rosenwald Wolf Gallery Philadelphia, le Museum of Derby et la British Library. Elle a également été récompensée par le prix Premio Ora, NY Art. Son exposition “Sculpting More Community” sera élargie de manière discursive à travers un programme de conversations et de présentations qui analyse de manière critique les infrastructures urbaines en termes de racisme, de sexisme et explore aussi les stratégies décoloniales.
Une discussion artistique prenante qui aura lieu entre l’artiste contemporaine et la chercheuse en art et commissaire d’exposition Sandrine Micossé-Aikins. Dans cette entrevue dialogique, les deux actrices contemporaines rendent compte de leurs pratiques respectives et explorent en commun la question de percer ce que « la décolonisation en action » peut signifier concrètement d’un point de vue artistique et curatoriale.