Après son exposition au Château des Ducs de Bretagne à Nantes, au Kunstmuseum de wolfsburg, au Musée du Quai Branly, il offre au public une dernière visite cette année à la Galerie MAGNIN-A de Paris où il présente ses plus récentes créations jusqu’au 3 décembre 2021. L’artiste contemporain Béninois Romuald Hazoumè présente masques, installations, une sélection de photographies et de toiles pour rappeler ses 33 ans de collaboration avec le galeriste André Magnin.
Présenter dans des institutions mondiales comme le MoMA à New York, le British Museum de Londres, le Guggenheim de Bilbao, la Fondation Louis-Vuitton de Paris, pour ne citer que quelques exemples, il use de par son art pour rappeler qu’il est de souche yorouba et descendant d’un ancêtre Babalawo, grand-prêtre du fâ originaire du Nigeria à la cour royale de Porto-Novo.
Romuald Hazoumè réalise ses œuvres à partir de matériaux rebuts et des objets usagés, qu’il récupère pour communiquer son art et sa vision de la société. Ayant fait des masques une force de transmission, il traduit de par son art ses pensées à travers d’énormes installations, interprétant ainsi son assurance à combattre la servitude, la contrebande et la corruption. Il aborde également les effets de la migration et interpelle sur l’inégalité qu’il situe entre le monde occidental et le monde africain.
À la galerie MAGNIN-A, Romuald Hazoumè présente de nouveaux masques inédits réalisés à partir de jerricans qu’il réutilise pour leur donner une autre vie à travers des couleurs, perles et coiffures. Dans cette ligne, il maintient la coutume de la sculpture connue dans l’histoire de l’art contemporain, propose une précieuse analyse tout en interrogeant sur le trafic de l’essence de la contrebande qui nourrit les échanges entre le Bénin et le Nigéria. Le point essentiel sur lequel il met l’accent à son installation ZoCooter. Cette moto bourrée de bouteilles qui montre le travail des « Kpayoman », ces jeunes dealers béninois qui transportent des quantités folles de carburant dans des conditions périlleuses sur les pistes pour échapper au contrôle.
Au fil de l’exposition, il interpelle chacun de nous en faisant savoir que l’Occident n’est pas l’eldorado libéré de mauvaise gouvernance comme l’affirme son installation « Antidépresseur ». Il nous interroge sur la conduite incertaine des Africains tentés par les platitudes de l’Occident sans voir l’abondance chez eux. En fait, il s’agit d’un ravage des biens du continent au détriment des populations africaines.
Comme il l’a indiqué, l’Afrique a tout ce qui est fondamental pour son devenir, mais rien n’est fait par les détenteurs pour l’exploiter. L’installation Antidépresseur est un ensemble comprenant un lit sénoufo posé sur un tapis de fèves de cacao derrière lequel un écran diffuse une vidéo de l’aurore et du crépuscule.
Une série de peintures de l’artiste résume sa réflexion sur la géomancie divinatoire du Fâ, sur laquelle il travaille depuis plusieurs années.
Se considérant comme un “chien de garde” de la culture yoruba, Romuald Hazoumè, par son travail, porte un regard fondamental sur le cadre occidental et interroge les ambiguïtés de la mondialisation. Ses dernières créations dénoncent les délocalisations et fustigent l’incohérence des termes de l’échange entre l’Afrique et le reste du monde. Vivant et travaillant à Porto-Novo, cet artiste est un veilleur qui nous interpelle à chaque moment sur les qualités morales mais aussi humaines.