Jusqu’au 19 novembre 2023, Pascale Marthine Tayou présente, « Petit Riens », une exposition organisée par la Collection Lambert et qui couvrira les deux étages de l’hôtel de Montfaucon. Cette présentation artistique représente une occasion pour le public de découvrir la nouvelle collection d’œuvres de l’artiste camerounais qui traite des actes minimes, mais qui avec le temps impacte grandement notre perspective du monde.
Né au Cameroun précisément à Nkonsamba en 1966, l’artiste vit et travaille entre la Belgique et son pays d’origine. Depuis les années 1990, ses nombreuses participations aux évènements d’arts dont la Documenta 11 (2002) de Kassel et les Biennales de Venise de 2005 et 2009, lui ont permis de développer une pratique artistique nomade, sans frontières, sensible et mixte, qui assemble et remodèle des éléments retrouver au quotidien.

Pascale Marthine Tayou modifie l’essence d’origine de ces objets en leur attribuant une nouvelle nature profonde selon une diversité affriolante de médiums et de formes notamment des dessins, des installations, des textes, des performances, des photographies, des vidéos et des sculptures. Avec un sens artistique métamorphe, l’artiste transforme et délocalise les éléments utilisés dans la pratique de son art au sein de nouvelles situations sensibles où le monde est perçu comme implacable selon des constructions sociales, culturelles et politiques, ces idéologies-là même qu’il s’agit de déjouer. En évoluant dans cet esprit de déconstruction des normes établies et des dispositifs rétrograde, Pascale Marthine Tayou ajoute très tôt un “ e “ à son prénom ainsi qu’à son deuxième prénom. À travers cette terminaison féminine, il cherche à se soustraire avec dérision des sujets ayant trait à la paternité artistique et des attributs liés à la masculinité/féminité.
Dans l’exposition « Petit Riens », l’artiste camerounais poursuit cette même idéologie réformatrice avec en plus une traversée sensible du « chaos-monde » pour reprendre la formule d’Édouard Glissant. Il présente à la Collection Lambert un projet artistique inédit, composé au minima de dix nouvelles œuvres monumentales et quatre déjà existantes, néanmoins repensées pour convenir à l’espace d’exposition. Pendant cette présentation, vingt-trois installations seront exposées à la vue des spectateurs dans les salles du musée. Chacune d’entre elles devient un prétexte pour poursuivre une conversation ouverte au cours de laquelle se réorganisent les convictions les plus profondes du public. Elles se présentent tels des réceptacles à travers lesquelles s’inventent autant de situations pour que naissent de nouvelles manières de percevoir le monde.
Pour appuyer cette analyse de l’exposition, Pascale Marthine Tayou s’exprime selon ces termes : « Les Petits Riens sont ces choses infimes qui, l’air de rien, relèvent des montagnes autour de nous. Ce sont ces actes minuscules qui au départ, invisible à l’œil nu, enfoncent des poutres dans nos yeux. Les Petits Riens, c’est une suite d’expériences que je voudrais mettre au service de l’esthétique, des observations de scènes banales de mon vécu quotidien mises au service d’une nouvelle expédition, un ensemble d’intentions plastiques témoin de mes doutes, socles de mes frustrations accumulées.
Les Petits Riens, c’est mon appel d’urgence face aux terreurs multiples qui me tordent les boyaux. Mais je ferai en sorte que cette aventure se transforme en une performance ludique avec joie et humour. Dans cette exposition en forme de conversation, la couleur est la balle dans mon arme et je m’en servirai pour nous extraire du champ des tirs, très loin des chars et autres flèches empoisonnées qui sifflent depuis bientôt trois mille ans dans nos prés. Je vous proposerai des écrans tournés contre les cimaises ou parfois contre le sol, des souvenirs d’enfance pour ceux qui auraient déjà oublié la drogue des comptines.

Nous danserons certainement et chanterons à gorge déployée sur le pont d’Avignon et nous irons aussi chercher le bonheur sur d’autres continents au-delà de l’espace. Nous irons pétrir la fange pour sculpter une nouvelle mappemonde à partager. Nous formerons deux cercles de couleurs en fils électriques que nous lierons entre eux à l’aide d’une douille fragile.
Des branches coiffées de sacs en plastique colorés tailleront dans les airs une haie d’honneur ou tomberont des cieux en d’étranges formes plastiques et organiques. Des chants d’oiseaux d’ici et d’ailleurs viendront habiter le décor et étirer encore loin le rêve. Toits de tôle ondulée et autres chaises chimériques envahiront l’espace comme transporté par quelques tornades venues de loin…
Nous creuserons les plis profonds de nos passions enfouies pour extraire les vérités cachées, redonner à la noble poésie ses vers de convictions, l’outil fondamental dans l’acte de création… »