Jusqu’au 29 août 2021 aux Abattoirs de Toulouse, l’exposition « REVUE NOIRE, une histoire d’arts africains contemporains » permet de redécouvrir l’inventivité des artistes du continent africain et de sa diaspora.
Cette exposition rend également hommage au magazine qui a changé le regard sur l’Afrique et ses artistes à travers la diffusion de ses 34 numéros distingués de richesse et d’imagination d’art africain contemporain dans l’ensemble de ses formes. Elle a permis de faire connaître et de percevoir sur la scène mondiale, la création de l’Afrique et de sa diaspora.
Une exposition qui présente des photographes emblématiques
L’exposition « REVUE NOIRE, une histoire d’arts africains contemporains » fait une large place à la photographie et sur les sept salles, quatre sont consacrées à cet art.
Partant de Antoine Freitas, devenu photographe en 1935, qui s’est aventuré dans tous les coins de l’immense territoire du Congo.
Cornélius Yao Augustt Azaglo, qui s’est installé en 1955 dans le nord de la Côte d’Ivoire et a parcouru les villes en photographiant les occupants et les ouvriers avec une simple camera box artisanale.

Série Ecstatic Antibodie
© Rotimi Fani-Kayodé
Rotimi Fani-Kayodé qui a quitté le Nigeria avec sa famille pour l’Angleterre après le renversement militaire de 1966. Après des études aux États-Unis et revenu à Londres en 1983. Homosexuel, il travaille avec son partenaire Alex Hirst artiste photographe et ensemble mène une réflexion sur le corps et le lien entre les fantasmes suggestifs et les valeurs spirituelles ancestrales.
Le Togolais Philippe Koudjina, qui a fait sa vocation au Niger. Dans les années 1960, a été un observateur de la vague Yé-Yé et a capturé les clubs de danse de Niamey, où la jeunesse et les stars mondiales avaient la chance de se rencontrer.
Bob Bobson d’origine indienne, qui a vécu en Afrique du Sud. Qui jusqu’en 1959 réalise des représentations peintes, puis en 1961 acquiert un appareil photo et installe son propre studio dans le quartier indien de Durban et devient le premier photographe de la ville à prendre des portraits couleur.
Le Martiniquais David Damoison, qui après avoir étudié la photographie à l’École Boulle à Paris devient assistant dans les ateliers de l’American Center à Paris. Devenu expert, il diffuse ses travaux dans différents journaux et magazines, dont Libération, l’Evénement du jeudi, Le Nouvel Observateur, Télérama…

Studio Bamako vers 1970
© Abdourahmane Sakaly
Abdourahmane Sakaly qui a pris ses aises à Bamako, au Mali. Initié à la photographie par Meïssa Gaye durant son enfance au Sénégal, il a installé son appareil sur l’exubérante place Bagadadjhi, parmi d’autres photographes.
Pour finir sur Alain Nzuzi Polo qui avec le collectif Solidarité des Artistes pour le Développement Intégral a écorné les expositions dans les quartiers populaires de Kinshasa. Situé à Paris depuis 2014, il mêle dans son travail, la photographie, le dessin et l’établissement et s’amuse à mélanger style, musique et exécution comparable aux cultures et aux identités LGBTQI+… Et bien d’autres artistes photographe encore.
L’histoire d’un magazine contemporain particulier
Créée en 1991 par quatre compagnons, Jean-Loup Pivin, Bruno Tilliette, Pascal Martin Saint Léon et Simon Njami, animés d’un même désir de retrouver l’extravagance du travail africain contemporain et de ses innombrables artistes.
Le trimestriel Revue Noire se devait de mettre en avant les progrès identitaires, la création, le sentiment et l’éducation artistique qui se produisaient sur le continent. Sans langue de bois ni discours conventionnel, il s’agissait de montrer une Afrique avant-gardiste et métropolitaine qui conçoit et crée.
Bien plus qu’un magazine, Revue Noire a été la révélation d’une culture africaine unique dans toutes les expressions créatives : architecture, expressions plastiques, cinéma, danse, écriture, mode et photographie. En outre, c’est sans doute dans ce dernier domaine que la revue a fait le plus l’exposition d’une particularité africaine.
Les réflexions, les souvenirs de ses quatre créateurs et d’une trentaine de rédacteurs différents, agrémentés d’une abondante iconographie a permis de faire de cette revue une entreprise, humaine et éditoriale hors du commun, menée aux quatre coins du continent.

© Revue noire
Depuis le premier numéro de Revue Noire sorti le 1er mai 1991, ou la couverture présente les « Lutteurs Noubas » du sculpteur sénégalais Ousmane Sow. Sous un grand format, bilingue français-anglais pour une diffusion mondiale, elle se doit d’être somptueuse et offrir une création africaine contemporaine que l’on doit trouver et regardée avec déférence, d’où le choix de Londres pour principale ville à investiguer. Choix politique d’une nation anglophone pour montrer que Revue Noire, certes un magazine français, n’est pas un magazine lié au monde francophone, mais qu’il doit briser les barrières entre des univers liés par l’histoire coloniale.

© Revue noire
La photographie africaine est au cœur du numéro 3 et du numéro 15, que les initiateurs du projet pensaient être le dernier car l’équipe manquait de fonds. Cette distribution était également une reconnaissance pour l’artiste photographe anglo-nigérian Rotimi Fani-Kayodé, décédé du sida et qui était l’un des rares photographes exceptionnels à avoir abordé l’homosexualité.
En raison d’un accompagnement financier européen, Simon Njami assume la responsabilité du numéro 6 engagé auprès de douze nations des Caraïbes. 70 artistes y sont présentés, dont des œuvres de l’exilé Cubain Humberto Castro, qui délimite la couverture.
Le numéro 7 consacré à Dakar et à ses artistes, assume sa part dans la nouvelle manifestation de l’art contemporain « Biennale de Dakar » rebaptisée plus tard « Dak’Art ». Une œuvre du peintre sénégalais El Hadji Sy, orne la couverture de ce numéro.
La couverture du numéro 13, consacré au Cameroun, présente une œuvre de Pascale Marthine Tayou. Le numéro suivant est un double numéro entièrement consacré à la danse, et est épuisé rapidement. Il finira par être une référence pour la danse contemporaine africaine. La couverture est soulignée par une photo de Bill T. Jones, une figure engagé autour des thèmes sociétaux comme le Sida.
En raison de l’absence de subvention, trois nations sont réunies dans le numéro 17, dont la couverture est donnée par l’artiste malien Abdoulaye Konaté. Ce numéro comprenant un CD des meilleurs musiciens maliens. Dans le numéro 20, consacré à Paris, il y a également un CD, mais cette fois, c’est le hip-hop qui occupe une place de choix. Patrice Félix-Tchicaya, artiste photographe, vidéaste en fait la couverture.

© Revue noire
Le numéro 21 est consacré à Kinshasa. La couverture traite de « La Maternité », une sculpture réalisée par l’artiste congolais Pume Bylex. Tout comme le numéro 17, trois nations sont honorées dans le numéro 24 : Djibouti, l’Éthiopie et l’Érythrée. L’œuvre de l’artiste éthiopien Ermias Ekubé en couverture montre une autre image du travail africain, loin des généralisations conventionnelles.

© Revue noire
Un homme fou et nu se promène dans les rues d’Abidjan, une photographie de l’artiste Dorris Haron Kasco qui figure en couverture du numéro 31 consacré aux communautés urbaines africaines. Cette photographie montre les déceptions, les dysfonctionnements, la méchanceté, la richesse, mais aussi les habitats métropolitains comme Abidjan, Lagos et Johannesburg, des lieux où se crée ce qui est à venir.

© Revue noire
Le numéro 32 est consacré à deux nations voisines, l’une francophone, l’autre anglophone, le Togo et le Ghana. Une photographie de Willis E. Chime sur les cérémonies funéraires des Ashanti du Ghana figure en couverture.
Si cette l’expérience éditoriale Revue Noire, qui a révélé l’Afrique contemporaine, a fait une différence significative, c’est parce qu’elle a été plus qu’un magazine, mais un élément de combat qui a montré des choses qu’on ne voyait pas, ou qu’on ne voudrait pas voir ! Ces images étaient liées à des textes instructifs qui résolvaient différentes questions : des réponses imaginatives aux médias et au regard, la création de discussions sur l’identité, la mise en scène du corps africain, les lieux métropolitains, ou les éléments changeant rapidement entre les qualités stylistiques africaines et les impacts occidentaux. Dans tous les cas, l’attention portée à l’art africain contemporain est encore importante.