C’est à travers une conversation entre vingt-deux de ses sculptures et installations présentées face à trente pièces de la collection de l’ancien musée de Tervuren, désormais appelé Africa Museum que Freddy Tsimba parle de l’histoire d’un Congo contemporain.
L’artiste sculpteur révèle son pays d’origine en faisant dialoguer photographies historiques, peintures occidentales, masques et sculptures traditionnels jamais présentés au public. Son objectif est de dénoncer les injustices et inégalités de la vie sociale et de mettre à nu les incongruités de la gouvernance congolaise.
Par le biais d’une œuvre de l’exposition, une voiture sans moteur que les hommes sont appelés à faire évoluer de toute leur énergie, l’artiste émet une analogie entre une voiture et sa nation, que le peuple s’échine à servir dans l’espoir d’un lendemain meilleur.
L’exhibition temporaire « Mabele eleki lola ! La terre plus belle que le paradis », réalisée avec le concours de In Koli Jean Bofane, commissaire de l’exposition, écrivain kino-congolais, exilé en Belgique est la première du genre depuis la réouverture de l’Africa Museum en 2018. Elle se tient sur un grand espace détaché des collections permanentes et reste ouverte au public jusqu’au 15 août 2021.
Freddy Tsimba : la voix des sans-voix
Ambassadeur des sans-voix, Freddy Tsimba consacre son art à la dénonciation de la violence et du massacre dont son peuple est victime. Autrefois l’esclavage et la colonisation, aujourd’hui le néocolonialisme avec les multinationales qui perpétuent la terreur, l’insécurité et la violence par le feu, le fer, les armes et les idées tordues.
L’artiste sculpteur s’est donné pour leitmotiv de faire de la République Démocratique du Congo, une terre d’espoir et de paix à travers ses œuvres. Sa démarche est de condamner les excès de domination, de violence, d’inégalité sociale et de guerre.
Il réalise ses œuvres à partir des douilles de cartouches récupérées dans les zones de conflits mais aussi des objets à usage domestique qui sont parfois détournés pour commettre des crimes (clés, fourchettes, ciseaux et autres outils de subsistance). Ces objets utilisés sont à l’image des vies des Congolais d’aujourd’hui, rendues « jetables ».
Dans sa quête de condamnation des inégalités, il rend un hommage mérité aux femmes, aux enfants et adolescents qui sont victimes de violence.
Fervent opposant à l’endoctrinement orchestré par les églises dans son pays, il titre son exposition « Mabele eleki lola ! La terre plus belle que le paradis », en cours à l’Africa Museum ; Une exhibition à la fois apologie de la beauté et rejet d’un paradis lointain annoncé par les églises. Il réalise deux sculptures dont une grande croix avec des pièges à souris rouillés et une autre représentant une femme transpercée par une croix.
L’art de recréer le Congo
Artiste indépendant, Freddy Tsimba est engagé dans la lutte pour le respect des valeurs humaines. Il consacre son art à cette mission qu’il s’est assignée et va parfois au-delà des frontières de son pays. C’est dans cette quête de justice qu’à l’occasion d’une résidence au musée royal de l’Afrique centrale en 2016, il crée huit personnages orientés contre le mur pour rendre hommage aux martyrs et aux réfugiés refoulés au niveau des frontières.
Né en 1967 à Kinshasa, ce diplômé de l’Académie des Beaux-Arts de Kinshasa s’est par la suite, pendant 6 ans, formé auprès de maîtres fondeurs et dans le Bandundu.
Le sculpteur de la souffrance, comme le désignent certains, transforme les métaux des conflits, en fait un médium pour ses œuvres afin de transmettre un message de paix. Il explore les situations et expériences proches de lui et de ses concitoyens, auxquelles il donne forme. Pour lui, chaque sculpture qu’il réalise est un symbolisme ; tout comme sa série d’œuvres portant sur l’héritage de l’esclavage ou encore sa série « Silhouettes effacées » : ces corps humains sans tête composés d’une multitude d’objets abandonnés. Au fond, Freddy Tsimba ne représente que l’expérience de la souffrance humaine sur cette terre.