L’art contemporain africain est un courant artistique qui a été influencé par les progrès technologiques et l’interculturalisme. Cette influence a permis de révéler de nouvelles formes d’expression culturelle et sociétale sur la scène artistique florissante de l’Afrique. L’exposition “House of Reasoned Truths” se consacre spécifiquement à l’art vidéo contemporain, mettant en lumière toute son esthétique et ses différentes méthodes formelles en réponse à sa capacité d’adaptation à l’ère de la mondialisation. Présentée jusqu’au 28 octobre 2023 au Telematic Media Arts à San Francisco, cette représentation multimédia dévoile toute la splendeur de l’Afrique à travers des œuvres d’artistes provenant de diverses contrées du continent.
La métamorphose grandiose de l’art contemporain africain a permis aux artistes d’explorer d’innombrables possibilités d’innovation artistique. S’en suit alors la découverte croissante d’un art africain en perpétuelle créativité et aux multiples facettes. L’exposition “House of Reasoned Truths” regroupe des œuvres conçues par des artistes africains qui se servent de ce courant artistique tout en s’inspirant des réalités africaines afin de concevoir un art expressif profond. C’est à travers l’art multimédia et le cinéma que ces artistes émergents abordent avec esthétisme les questions de communauté, de cohésion sociale, de féminisme, de subjectivité diasporique, de géopolitique, de forces environnementales, de performativité et de pouvoir.
Travaillant de manière réflexive, ils se servent de la structure de leurs mondes sociaux respectifs pour entreprendre une introspection personnelle. À travers leurs œuvres vidéos, ils créer une ambiance réflexive au sein de la galerie, emmenant ainsi le public à une méditation sur l’Afrique et le monde actuel en les transportant en dehors des classifications historiques réductrices.
Organisée par le conservateur et consultant togolais français, Kisito Assangni, l’exposition “House of Reasoned Truths” accueillera les œuvres des artistes Halida Boughriet, César Schofield Cardoso, Djibril Dramé, Victor Mutelekesha, Nyancho NwaNri, Harold Offeh, Minnette Vári et Haythem Zakaria.
Halida Boughriet
Artiste algérienne diplômée de l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris et du programme d’échange de la SVA New York en cinématographie, Halida Boughriet dispose d’une pratique artistique expérimentale poétique. Elle explore un large éventail de médias et place la performance au centre de son expression artistique, à travers des éléments et outils variés.
Dans la « Feuille d’or (Gold leaf)», l’artiste contemporaine présente des photographies d’archives de femmes noires, illuminées par une allumette qu’elle tient dans une main. Elle accompagne ses images de femmes africaines orientalisées, abandonnées et asservies, par sa voix captivante qui récite tantôt des vers ou des poèmes afin de déstabiliser le spectateur. L’éclat offert par l’allumette permet une analyse furtive des images d’époque. Halida Boughriet séduit le public avec le rythme de sa voix avant de le piéger dans les ombres de cette époque faute de temps d’interprétation, un trop court instant avant que l’allumette ne soit totalement consumée.
Cesar Schofield Cardoso
Cesar Schofield Cardoso est un artiste photographe, vidéaste et développeur de logiciels, originaires du Cap Vert. Il interroge dans sa pratique artistique l’histoire, la mémoire, la politique et la vie quotidienne, afin de mieux saisir la complexité qui caractérise les conditions et les possibilités de sa terre de naissance, Cabo Verde, située au cœur de l’océan atlantique.
À travers son œuvre « Blue Womb », il redéfinit la mer comme étant un lieu de création et pas uniquement de violence et de traumatisme. En effet, ce monde bleu est lié à de nombreux récits africains poignants notamment l’esclavage, la migration, entre autres. Sa représentation artistique emmène le spectateur à dépasser ce traumatisme en réimaginant l’océan comme étant une réserve créatrice. En abordant deux concepts de la philosophe et biologiste américaine Donna Haraway, Cesar Schofield Cardoso propose également dans son récit visuel une alliance des déchets de l’océan avec son infinité de formes vivantes, en référence à la symbiose entre la matière vivante et non vivante.
Djibril Dramé
L’art de Djibril Dramé met en avant des questions sociales pertinentes et potentiellement controversées qui impactent le monde actuel. Artiste visuel sénégalais résidant à Dakar, il révèle dans sa pratique, les multiples aspects de la riche historicité culturelle africaine, offrant un récit africain alternatif captivant.
L’œuvre « Sabadola Zombies » qu’il présente au cours de l’exposition est une nouvelle série d’images qui reflète une résistance, une résilience face aux troubles de l’Afrique. L’artiste présente en toile de fond une invitation à découvrir l’or en sa compagnie, même si tout ce qui brille n’est pas de l’or.
Victor Mutelekesha
Victor Mutelekesha est un artiste zambien dont le travail interroge les notions d’hybridité, d’identité de la diaspora et la condition humaine. Il présente l’œuvre « The Center Still holds » en référence au roman de Chinua Achebe intitulé « Things Fall Apart (le centre ne peut pas tenir) ».
Il s’agit d’un conte fictif qui décrit l’impact du colonialisme sur le déracinement traditionnel, culturel, artistique et sociétal en Afrique. Apportant une suite à l’œuvre du célèbre écrivant nigérian, Victor Mutelekesha démontre dans un montage audio-vidéo, la persistance de ses valeurs culturelles et traditionnelles dans les régions africaines.
Nyancho NwaNri
Nyancho NwaNri est une artiste nigériane et photographe documentaire qui explore à travers son objectif photographique l’histoire, les traditions et la spiritualité africaine. Elle aborde également les thèmes de l’identité ethnique et culturelle, ainsi que les questions sociales et environnementales du continent.
Elle présente l’œuvre multimédia « Here », qui est une narration visuelle performative sur l’exploration de l’alchimie de soi. Dans sa représentation, Nyancho Nwanri plonge les visiteurs dans un voyage d’auto-évaluation, de nettoyage, d’acceptation et d’affirmation canalisé selon les traditions spirituelles autochtones centrées sur Ogun, le dieu yoruba du fer, un guerrier qui symbolise le pouvoir, la résilience et l’adaptabilité.
Harold Offeh
Harold Offeh est un artiste qui exprime son art à travers une diversité de médias, notamment la performance, la vidéo, la photographie, l’apprentissage et la pratique des arts sociaux. Il utilise souvent l’humour comme une méthode subtile pour confronter le spectateur aux récits historiques et à la culture contemporaine.
Pour l’exposition “House of Reasoned Truths“, il propose une œuvre inspirée d’une image trouvée dans une représentation de Renga Moi, une pièce du dramaturge ougandais Robert Serumaga. L’image de la performance du dramaturge représente le point de départ d’une suite ludique et personnifiée. Dans son œuvre intitulée « Two positions », Harold Offeh a voulu explorer la puissance de ces images à travers une série d’actions qu’il exécute. Il présente alors une œuvre performative qui recontextualise les positions de l’image originale en se situant selon l’architecture et le paysage.
Minnette Vari
L’art de Minnette Vari transcende le concept du moi et de l’histoire en explorant la construction d’une identité qui se substitue à un passé troublant. Ayant vécu la chute de l’apartheid et l’avènement d’une nouvelle démocratie, l’artiste tisse une histoire en lien avec cette période de son passé, dans l’espoir de retrouver ce qui a été perdu et de raviver des souvenirs oubliés. À travers ses dessins et ses œuvres vidéos, elle expose souvent son corps en proie à une transformation défigurante. Le personnage féminin qui émerge de ses créations apparaît parfois comme un archétype ou un spectre, fusionnant avec la nature ou l’architecture concise des villes modernes, absorbant ou étant absorbé par la temporalité.
Dans son œuvre intitulée “Quake“, Minnette Vari plonge les visiteurs dans une atmosphère postapocalyptique, où des paysages effondrés semblent presque abandonnés. Seuls les personnages errants rappellent l’expérience humaine et la condition de nomades partagée par tous les individus. Dans cette métropole contemporaine, où l’on entrevoit des villes en ruines, l’artiste crée un sentiment de nostalgie dans ces lieux vides pourtant emplis d’informations et de repères.
Haythem Zakaria
Haythem Zakaria, un artiste tunisien, explore des méthodes novatrices pour enrichir ses images en intégrant, en greffant et en superposant des informations visuelles et sonores. Il infuse ses créations d’une spiritualité soufie en utilisant des techniques visuelles non conventionnelles telles que le glitch, la méta-image et les procédés cinématographiques, qui le guident et l’impliquent dans l’expérimentation de dispositifs matriciels et protocolaires.
C’est dans une approche artistique distincte et percutante qu’il propose « The Stone Opera ». Une œuvre saisissante qui se présente à la fois comme une expérimentation visuelle, une pièce musicale et un documentaire sonore pour tenter d’assimiler les genres, sans toutefois prétendre à l’exhaustivité. L’œuvre vidéo saisit le spectateur et l’entraine à l’orée des massifs montagneux dans les environs de la ville de Redeyef. Elle offre la sensation d’être en communion avec le paysage rocheux et les détails sonores et visuels servent à renforcer cette profondeur d’union.