Kwaku Yaro investit la Gallery 1957 jusqu’au 04 décembre 2023 avec sa nouvelle exposition personnelle intitulée « Look at What You’ve Seen ». À travers des œuvres nouvelles et inédites, l’artiste contemporain nous entraîne en périphérie de l’océan Atlantique en compagnie d’une communauté de pêcheurs. C’est dans cet environnement calme et sans arrogance au cœur de Labadi qu’émergent l’idée de conception de ces œuvres subjuguantes. Dans une perspective singulière de restructuration, Kwaku Yaro remodèle les limites de la visualisation et soulève des interrogations sur l’acte même de voir.
« Look at What You’ve Seen » est une exposition qui aborde en profondeur l’action de voir. Elle explore la manière dont l’individu, transcende le rôle passif du regard pour participer activement à l’acte de voir. La pluralité et la pertinence des matériaux observée dans l’œuvre de l’artiste invitent le public à reconsidérer sa conception des infinies possibilités offertes par l’art de transmettre, de matérialiser et de percevoir les choses. Il réorganise la hiérarchie des matériaux dans le monde de l’art, où les toiles et peintures traditionnelles ont souvent régné comme maître. Cette reformation des choses intrigue et incite à accepter notre participation dans cette nouvelle agence, ainsi qu’à apporter un témoignage sur la capacité de l’art contemporain à modifier l’inaperçu, le banal et le quotidien en discours et visibilité critiquent.
Dans « Look at What You’ve Seen », Kwaku Yaro partage également une histoire personnelle, celle de la migration de sa mère du nord du Ghana vers la capitale, Accra, en quête d’un avenir meilleur. Le tapis en polypropylène figurait parmi les rares biens qu’elle emporte. Cet objet revêt alors une symbolique particulière pour l’artiste contemporain qui l’intègre au cœur de sa pratique artistique.
Ce récit fait écho à celle du sac Ghana Must Go, qui a été initialement introduit au Ghana comme un sac robuste et polyvalent destiné à diverses utilisations, notamment le transport de marchandises et d’effets personnels. Cependant, son nom et son statut emblématique sont liés à un événement historique des années 1980, où les immigrants ghanéens résidant au Nigeria ont été expulsés du pays par crainte de reprendre les emplois nigérians. Le port leur permettant de transporter leurs affaires était ces sacs. Cette migration massive et le lien avec le sac lui ont valu d’être communément surnommé « Ghana Must Go ». Son motif à carreaux distinctif devient alors un symbole de migration, de résilience et de relation complexe entre le Ghana et le Nigeria. Au fil du temps, il est passé d’un objet fonctionnel à une icône culturelle utilisée dans l’art exclusive de Kwaku Yaro.
Les récits et les histoires peints par l’artiste représentent le reflet frappant d’instances similaires. En utilisant son style caractéristique de pointillismes verts luxuriants, Kwaku Yaro fait des inductions fictives à un mode de vie opulent. On retrouve cette richesse dans ses œuvres à travers des muses élégamment habillées et des configurations soigneusement conçues de décors de maisons fortunés. Son approche multimédia combine les points communs des tapis, des sacs de transport et des sacs de jute en polypropylène tissé recyclé avec le médium intemporel de la peinture acrylique. Il intègre également de la broderie faite main très complexe à sa pratique de l’art, offrant un rendu unique contrastant sur la production industrielle et mécanique d’avec les techniques de tissage manuel traditionnelles associées aux artisans locaux.
Ces combinaisons hasardeuses pourtant pertinentes offrent un résultat percutant proposant des portraits empreints d’un sentiment d’appartenance et de l’essence même des personnages. De par leur conception, ces portraits redonnent vie à ces matériaux considérés comme des déchets. Kwaku Yaro réutilise ces éléments désuets, leur insufflant de nouveaux récits, objectifs et significations. Il met consciencieusement en valeur cette imagerie au centre de ses compositions. Ces sacs produits en Inde, se retrouvent au Ghana et servent de contenant pour le transport de diverses matières premières. Fèves de cacao, charbon de bois, oignons, toute cette polyvalence témoigne de la dynamique complexe du commerce mondial, des économies locales et du cycle de vie des matières premières. Ces éléments représentent une métaphore pour présenter à travers un langage visuel percutant en résonnance avec le passé et le présent, les rêves, les aspirations et la résilience des personnages en lien avec ces matériaux.
A l’image de l’exploration « The Everyday » réaliser par Stephen Johnstone où il remet en question les formes d’art traditionnelles, Kwaku Yaro remodèle les regards sur les matériaux utilisés dans l’art. Il construit autour de ces objets notamment les tapis en polypropylène, les sacs de transport et les sacs de jute un dialogue engageant et stimulant faisant participer le public. Ces éléments autrefois ignorés sont utilisés pour matérialiser la perception de Kwaku Yaro sur la récupération et la réimagination. Dans « Look at What You’ve Seen », l’artiste contemporain suscite l’intérêt du public sur ces déchets, une préoccupation évolutive et propose une nouvelle vision de percevoir leur usage afin d’en faire des éléments encore utilisables. Redonnant vie à ces matériaux, Kwaku Yaro leur permet de véhiculer des histoires nouvelles tout en sensibilisant les visiteurs sur l’innovation en termes de réinvention.