Si vous êtes au Bénin ou que vous comptez y passer dans les jours à venir, il est encore temps de découvrir l’exposition AGBARA WOMEN, de l’artiste photographe béninois Ishola AKPO. Véritable ode à la royauté africaine féminine, ce travail artistique rend hommage aux femmes africaines qui ont conduit, à un moment ou à un autre, la destinée de leurs peuples, mais que l’histoire a passé sous silence. Ouverte au public au Musée de la Fondation Zinsou à Ouidah depuis février 2020, l’exposition AGBARA WOMEN ferme ce dimanche 6 décembre.
Des femmes de pouvoir…
La plupart des livres d’histoires et des archives abordent la royauté comme une exclusivité masculine. Les rares qui font exception à cette règle font l’éloge – ou le procès, c’est selon- de quelques célèbres reines européennes ou d’épouses de monarques qui ont marqué l’histoire occidentale. Pour ce qui est de l’Afrique noire, rien !
Oubliées des récits écrits, mais aussi très souvent reléguées au second plan dans la tradition orale, les reines africaines ne sont que très peu connues. Il y a ainsi fort à parier que les noms comme Tassi Hangbé, Yalla Ndaté, Yaa Asantewaa ou encore Njinga ne vous évoquent pas grand-chose. Et pourtant ! Actrices essentielles de toute une période de l’histoire de leurs royaumes ou de leurs peuples respectifs, ces femmes méritent autant d’attention que leurs homologues masculins.
A travers son exposition AGBARA WOMEN, Ishola AKPO se propose donc de réparer quelque peu cette injustice et de rendre hommage à ces femmes de pouvoir. Pour cela, celui, qui est photographe à l’origine, expérimente ici plusieurs médias pour donner vie à des créations qui transmettent autant que possible, la puissante aura de ses femmes. Au cours de sa résidence de 15 mois à la Fondation Zinsou, l’artiste a en effet exploré de nouveaux horizons incluant le collage, la sculpture et la tapisserie, dont il se sert ici à la perfection.
Un travail de recherche documentaire pointu
Pour Ishola AKPO, il n’était pas question de romancer l’histoire ou de l’édulcorer, mais bel et bien de la restituer, en replaçant, autant que possible, celles qui en ont été volontairement extraites ou reléguées au second plan, tout en y apportant sa touche artistique.
Les photocollages présentés dans cette exposition sont ainsi les résultats d’un travail qui a commencé par de longues recherches dans les archives de la Fondation Zinsou sur le Dahomey (ex-Bénin), mais aussi dans de nombreux autres ouvrages historiques. L’artiste s’inspire également beaucoup de la culture des yorubas du Nigéria, où les femmes de pouvoir sont célébrées plus ouvertement. Et pour redonner leur place à ces dernières, il n’hésite pas à remplacer l’image de la tête de certains rois, provenant de portraits officiels, par celle de reines tout aussi méritantes. Les photos sont ensuite liées par un fil rouge pour exprimer le fil conducteur entre l’histoire de ces reines.
Les modèles choisis, les accessoires, les couleurs et l’impressionnante qualité des photos rendent chacune de ces œuvres plus vraies que nature et permettent une réelle immersion dans l’univers de l’artiste.
Des tapisseries sobres pour rendre hommage
Contrairement aux photos, photocollages et sculptures très colorées, les tapisseries exposées dans AGBARA WOMEN sont conçues avec une sobriété déconcertante. L’artiste y a cousu des messages comme « Agbara » (« puissance » en Yoruba) et « Sarahuni » avec du fil noir sur des fonds noirs. Ce choix matérialise, pour l’artiste, la négligence ou la mise à l’écart des femmes à l’égard des enjeux du pouvoir.
Qui est Ishola Akpo ?
Ishola Akpo est un Artiste Photographe et multimédia né en 1983 en Côte d’Ivoire, qui travaille et vit au Bénin. Jouant souvent à la frontière entre la réalité et la fiction, les identités fixes et celles multiples, ses œuvres mêlent parfaitement modernisme et tradition africaine.
Lauréat du Visa pour la création 2013 avec la série Pas de flash s’il vous plaît, et la Résidence Photoquai du Quai Branly (2015) avec la série Les mariées de notre époque, Ishola Akpo est l’un des photographes artistiques les plus prometteurs du continent.
Rappelons que l’exposition AGBARA WOMEN ferme ce dimanche 6 décembre 2020. Jusqu’à cette date, l’accès y est libre et gratuit au musée de la Fondation Zinsou de Ouidah.