Le San Francisco Museum of Modern Art (SFMOMA) a le plaisir de présenter dans son espace artistique, la première grande exposition de Zanele Muholi sur la côte ouest. Intitulée « Eye Me » et exposée jusqu’au 11 août 2024, l’exposition comprend une sélection de plus de 100 œuvres mêlant photographies, peintures, sculptures et vidéos contemporaines toutes conçues par l’artiste sud-africaine entre 2002 et aujourd’hui. À travers cette présentation contemporaine d’envergures, Zanele Muholi invite les spectateurs à prendre connaissance de son projet artistique, celui ayant pour but d’honorer et d’accorder une certaine visibilité par la force de son art, à la communauté homosexuelle noire dans l’Afrique du Sud du post-apartheid.
Né en 1972 à Umlazi, en Afrique du Sud, Zanele Muholi est perçue comme une militante visuelle autoproclamée, qui se sert de son objectif photo pour explorer les questions d’identité de genre, de représentation et de race. Dans sa pratique de l’art, l’artiste engagé réalise des photographies de son propre corps et également des membres de leur communauté LGBTQ+ en Afrique du Sud afin de centraliser l’attention du public sur les traumatismes et la violence infligés aux personnes queer tout en mettant en avant leur beauté, leur force et leur résilience.
Les portraits et les images proposées par Zanele Muholi dégagent une profonde tendresse ainsi qu’une intimité immédiatement perceptible. Des états et des émotions qui ne peuvent figurer dans ses œuvres que par l’établissement d’une relation de confiance entre elle et les personnages imagés. En effet, l’artiste perçoit ses protagonistes telles des collaborateurs qui interviennent activement dans la composition de ses créations visuelles en partant du lieu jusqu’aux tenus de poses.
Zanele Muholi installe l’activisme au cœur même de sa pratique, et ce depuis ses premiers travaux luttant contre les dangers d’être homosexuel en Afrique du Sud jusqu’à ses réalisations plus récentes étreignant sa propre noirceur et son expression de genre. Par le biais de son projet, l’artiste activiste souhaite arracher le droit d’apparition et de vie des noirs homosexuels dans les musées. Pour Zanele Muholi, le meilleur moyen d’y parvenir est de se tourner vers la photographie qu’elle considère comme un excellent outil de résistance et de changement social.
Eye Me : les photographies de l’artiste
La plus grande partie des œuvres de l’exposition « Eye Me » est composée des pièces photographies de l’artiste sud-africaine. Elle réalise Only Half the Picture (2002-2006), une série de photographie conçue dans le cadre de son implication dans le Forum pour l’autonomisation des femmes dont elle est la cofondatrice. Cette sélection d’œuvres dévoile en images les survivants de crimes haineux commis à l’encontre de membres de la communauté homosexuelle. Prise dans les townships d’Afrique de Sud, Zanele Muholi y met en évidence la violence subie par ces personnages, mais également des moments d’affection afin d’apporter une touche d’espoir quant à l’acceptation complète de la communauté LGBT+.
Elle propose une représentation touchante de l’amour queer dans la série Being où apparaissent des couples dans les moments de la vie quotidienne. L’artiste contemporaine porte loin son militantisme en défiant consciencieusement une culture brimant la communauté queer en révélant la série d’œuvres Brave Beauties (2014- en cours). Cette série se compose de photographies de personnages non conformes au genre notamment des femmes transgenres et des personnes binaires en pleine émancipation.
Elle révèle une autre série photographique intitulée Faces and Phases (2006 à aujourd’hui) qui cette fois-ci regroupe des archives visuelles de la vie des Noirs homosexuels. Il s’agit là d’une initiative plus vaste qui consiste à transmettre ces photographies en héritage aux générations actuelles comme prochaines. Pour maintenir une temporalité d’antan, l’artiste présentera des portraits traditionnels en teinte noir et blanc avec des personnages initiateurs de leur propre pose, tenue et cadre. La galerie exposante exhibera 36 de ces images qui compte aujourd’hui plus de 500 photographies.
Dans Somnyama Ngonyama, Zulu pour Hail the Dark Lioness, Zanele Muholi devient le sujet de son art. À travers cette série d’œuvres profondément personnelle et politique réalisée de 2012 à aujourd’hui, elle explore l’autoportrait en empruntant le rôle de différents personnages et archétypes, transformant des objets quotidiens en accessoires et en vêtements, en référence au récit sociopolitique sud-africain, à la culture contemporaine ou à des événements personnels de sa propre vie.
Eye Me : les œuvres vidéo de Zaneli Muholi
L’exposition « Eye Me » regroupe également une sélection d’œuvres vidéo inédites en rapport avec le militantisme et la pratique de l’art visuel de l’artiste sud-africaine. Ainsi, l’espace artistique du SFMOMA présentera en complément des 36 photographies en noir et blanc issues de la série Faces and Phases (2006 a aujourd’hui), une sélection d’entretiens vidéo avec les intervenants. Cette initiative permet de donner la parole aux membres de la communauté de l’artiste et à leurs histoires individuelles.
Le documentaire Difficult Love, réalisé en 2010 par Zaneli Muholi et Peter Goldsmid fera également partie des pièces exposées. Un film à connotation très personnelle, intime et stimulante, qui aborde les expériences des lesbiennes noires en Afrique du Sud à travers des interviews de l’artiste, de leurs amis et collègues.
Eye Me : les peintures et sculptures de Zanele Muholi
Outre son talent pour l’art photographique, Zanele Muholi se découvre une affinité pour de nouveaux médias tels que la sculpture et la peinture. L’artiste s’est découvert cette expansibilité pendant la pandémie et s’y attèle afin d’élargir sa pratique de l’autoportrait. Elle utilise des couleurs vives et des motifs disparates pour examiner les questions liées à la représentation. L’exposition « Eye Me » regroupe ces nouvelles peintures ainsi qu’une sculpture en bronze, un matériau symbolique utiliser pour célébrer des figures du pouvoir.