De nombreuses initiatives émergent pour mettre en lumière la pertinence, la profondeur et la créativité de l’art contemporain africain. Entre foires d’art, expositions itinérantes et concours qui valorisent les acteurs de cette scène artistique, l’écosystème idéal se construit pour dynamiser la scène artistique africaine et en faire un vivier majeur de la création contemporaine mondiale. Dans cette démarche de soutien aux artistes visuels non occidentaux prometteurs et établis, en particulier originaires d’Afrique et de la diaspora, la galerie OpenArtExchange lance une nouvelle série d’expositions explorant la richesse de l’art contemporain africain. Ce voyage artistique enrichissant débute au Bénin avec l’exposition intitulée « Gléhoué – Maison de la Terre ». Présentée jusqu’au 3 août à l’espace artistique des Pays-Bas, elle offre au public néerlandais une expérience immersive dans l’art contemporain béninois.
Cette initiative novatrice de l’OpenArtExchange vient de l’idée « L’art contemporain africain n’existe pas ». Elle vise à démontrer le burlesque de cette pensée en révélant la vaste diversité de l’art contemporain du continent noir, à travers des rencontres avec des artistes issus de différentes régions d’Afrique. Le centre d’art choisit comme première destination le sud du Bénin, terre ancestrale de la religion traditionnelle africaine Vodoun et foyer d’autres croyances riches en traditions spirituelles, remontant à des époques lointaines.
Cette contrée du pays est connue pour son riche passé historique plein de royaumes puissants, de guerres féroces, ainsi que de nombreuses histoires d’acteurs héroïques notamment les Amazones, d’un courage et d’une loyauté inébranlable. Ce passée glorieux de la région à également connu ses moments de tragédies et de souffrances les plus poignantes surtout en étant le point névralgique de la traite transatlantique. Ainsi, la terre béninoise a été le témoin des sommets et des abîmes de l’humanité. L’exposition « Gléhoué – Maison de la Terre » rend hommage à cette région vaillante, en mettant en lumière quatre artistes qui interprètent à travers leur art cette dualité historique et religieuse profondément ancrée au Bénin : Elise Takoudagba, Marcel Kpoho, Rafiy Okefolahan et Tchif Tchiakpe.
Elise Takoudagba est une artiste peintre et sculpteur autodidacte, née à Abomey en 1978, dans une famille artistiquement engagée ; son père est peintre et chercheur de statues vodoun, tandis que sa mère est sculpteur céramiste. Son immersion dans un environnement artistique l’a naturellement dirigée vers l’art. Son intégration dans la communauté artistique locale, enrichie par son bagage culturel, constitue le fondement de son processus créatif. À travers des sculptures vibrantes, tant de petit que de grand format, réalisées en argile rouge locale et rehaussées par de la peinture à l’huile d’automobile, Elise Takoudagba présente lors de l’exposition une série de céramiques colorées. Chacune de ces œuvres représente des dieux et esprits issus de la religion traditionnelle Vodoun, soigneusement ornées des attributs, symboles et couleurs appropriés, devenant ainsi de véritables vecteurs de savoir sur les traditions spirituelles non écrites pour les générations futures.
Marcel Kpoho, artiste émergent au style artistique aussi insolite qu’immersif, captive le public avec ses sculptures réalisées à partir de pneus de voitures recyclés. Ces œuvres, qui suscitent souvent la polémique, invitent les spectateurs à réfléchir sur la nécessité du recyclage dans la vie urbaine africaine. Cependant, Marcel Kpoho cherche également à éveiller une conscience plus profonde, illustrant le côté sombre et difficile de l’humanité. Né à Porto-Novo en 1988, il intègre dans ses créations plusieurs traditions spirituelles, allant de la culture Fon à la religion Yoruba Ife, pour bâtir un univers noir peuplé de sculptures faites de matériaux insolites. Ses œuvres, qu’il s’agisse d’installations ou de sculptures murales, se distinguent par leur caractère brut, original et intrigant, suscitant l’interrogation du public. Certains de ses masques reflètent une interprétation contemporaine des divinités indigènes, tandis que d’autres servent de symboles typiques permettant à l’homme de se protéger et d’élever son âme, l’aidant à surmonter son moi sombre par la méditation.
Rafiy Okefolahan, né en 1979 à Porto-Novo, est un artiste multidisciplinaire qui navigue entre la peinture sur verre, la photographie, la performance et la sculpture. Bien qu’il maîtrise habilement plusieurs médiums, sa principale forme d’expression reste la peinture, qu’il considère comme le moyen le plus efficace pour transmettre son art. Sa démarche artistique se concentre sur l’humain, qu’il représente dans les déboires et les succès de la vie quotidienne. Rafiy Okefolahan donne la voix à l’invisible, s’opposant au mythe de la violence, à travers ses textures néo-expressionnistes colorées, réalisées à partir d’un mélange de matières avec de l’acrylique. Ces œuvres dégagent une énergie puissante, presque tangible, créant un sentiment d’urgence autour des figures qu’il dépeint. L’exposition « Gléhoué – Maison de la Terre » offre l’occasion de découvrir ces figures obscurcies par de lourdes couches d’abstraction, évoquant des influences de Basquiat et de Bacon, tout en restant distinctes par leur propre style et expression, propre à Rafiy Okefolahan.
Tchif Tchiakpe, artiste de renommée internationale, né en 1973 à Cotonou, est un emblème de l’art contemporain béninois. Reconnu pour son approche unique mêlant figuratif et abstrait, il intègre profondément les croyances vodoun dans ses œuvres, offrant ainsi une réflexion sur la spiritualité tout en abordant des thématiques universelles. Dans l’exposition « Gléhoué – Maison de la Terre », Tchif Tchiakpe présente un style caractéristique où la dualité de la vie est mise en avant, qu’il s’agisse de la réalité personnelle ou des enjeux sociétaux plus larges. Ses œuvres prennent principalement la forme de portraits poétiques, souvent masqués, qui allient beauté et audace dans une esthétique à la fois simple et troublante. Chaque ligne, chaque couleur, chaque centimètre carré de sa toile semble avoir été soigneusement pensé et mesuré, témoignant ainsi d’un haut degré de maîtrise technique. Ces créations trouvent leur essence dans des titres évocateurs tels que Les roi et Les visibles , Mi Ange et Mi Ange1 , mais également Les as de Dieu et Les as des cœurs, invitant le spectateur à plonger dans des réflexions sur l’identité, la spiritualité et l’humanité.
Ainsi, l’exposition « Gléhoué – Maison de la Terre » met en lumière non seulement la richesse des traditions artistiques du Bénin, mais également la manière dont ces artistes contemporains réinterprètent et redéfinissent leur héritage culturel à travers des mediums variés et des messages puissants.