La galerie Angalia met à l’honneur, jusqu’au 30 novembre, l’œuvre captivante de Freddy Tsimba avec sa nouvelle exposition personnelle intitulée « Au-delà de la matière ». Le public parisien est invité à plonger dans l’art sculptural de cet artiste congolais dont la démarche artistique résonne comme un puissant appel à la paix et à l’espérance.
En 2018, le Théâtre national de Chaillot a également célébré l’engagement de l’artiste congolais en installant sa sculpture monumentale Porteuse de vies à l’occasion du 70e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Mesurant quatre mètres de haut et entièrement réalisée à partir de douilles récupérées dans les zones de conflit en République Démocratique du Congo, cette œuvre impressionnante représente une femme portant un livre ouvert constitué de clés. Ce choix lumineux fait de Freddy Tsimba le premier artiste à enrichir ce lieu emblématique d’une œuvre permanente depuis 1937. À travers Porteuse de vies, l’artiste camerounais incarne l’espoir et la résilience, affirmant avec force que « la vie n’a pas de prix » et offrant ainsi des clés pour permettre à l’humanité de triompher de l’adversité.
En début d’année, la France honore une nouvelle fois le parcours exceptionnel de Freddy Tsimba en le nommant Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres, une distinction qui souligne la profondeur de sa démarche artistique et ses valeurs humanistes. Ses œuvres emblématiques, notamment « Porteuse de vies », illustrent des bustes de femmes façonnés à partir de douilles soudées, rendant hommage aux victimes des conflits, notamment celles de l’Est du Congo. La femme, colonne vertébrale de sa création, devient un symbole de vie et d’espoir, célébrée pour sa beauté et sa résilience face aux défis que lui impose le monde.
Freddy Tsimba a été profondément marqué par une scène de famine en Somalie, un événement qui l’a poussé à explorer la thématique de la faim dans son art. En utilisant des objets récupérés, tels que des cuillères et des machettes, il façonne des corps tout en intégrant des matériaux qui symbolisent la mort, l’oppression et l’addiction. Cependant, son œuvre ne sombre pas dans le désespoir ; elle déploie souvent une symbolique à double sens, comme les clés, qui évoquent à la fois l’enfermement et l’ouverture libératrice.
Sa dernière exposition individuelle en Europe, « Mabele eleki lola » (La terre, plus belle que le paradis), s’est tenue en 2020 à l’Africa Museum de Tervuren, en Belgique. Cette exposition a marqué la première présentation temporaire du musée après sa réouverture en 2018, suite à une rénovation visant à se distancier de son passé colonial. À travers une mise en scène saisissante, les œuvres de l’artiste dénonçaient la violence et la domination, évoquant les atrocités de la colonisation tout en lançant « un cri pour la paix, pour la vie ».
Parallèlement, l’exposition « Au-delà de la matière » à la galerie Angalia mettait en lumière la richesse des créations de Freddy Tsimba au cours des 15 dernières années. L’œuvre emblématique, un Christ en croix à taille humaine réalisé en douilles, interpelle par sa puissance et sa provocation. Elle réinterprète la figure du sacrifice pour évoquer les souffrances des victimes des conflits armés, faisant ressentir l’horreur contemporaine de la crucifixion à travers l’utilisation de ces matériaux chargés de sens.
Son œuvre Immaculé dénonce le cycle infernal de la violence tout en appelant à la résilience et à l’espoir de paix. Dans cette pièce, la figure du Christ ne représente pas seulement le sauveur spirituel, mais incarne également les martyrs anonymes des conflits modernes, en particulier les violences subies par les femmes aux mains des milices armées dans l’Est du Congo. À travers son exposition à Tervuren, il affirme que la terre peut être « plus belle que le paradis », tout en célébrant la vie à travers son installation Children paradise, composée de sculptures en clés évoquant l’enfance, le jeu et l’espoir.
Cette représentation du Christ en croix incarne l’essence même de son travail et résonne avec d’autres sculptures présentées. Parmi celles-ci, deux bustes de femmes enceintes, réalisés à partir de douilles et de chaînes, issus de la série Silhouettes effacées. Une autre série marquante, Les rescapés, est composée de têtes façonnées à partir de douilles fondues, rendant hommage aux “gueules cassées” et aux victimes de la violence.
Freddy Tsimba utilise des objets symbolisant la mort pour faire émerger non seulement la vie, mais aussi la grâce. Son œuvre Mama machettes, entièrement réalisée à partir de machettes soudées, se distingue par ses courbes délicates et sa légèreté. Bien que la machette soit un outil de base pour les agriculteurs, elle est tristement associée au génocide rwandais. Dans Mama machettes, l’artiste contemporain transforme ce symbole de violence en une figure maternelle nourricière, affirmant ainsi la suprématie de la vie.
L’exposition « Au-delà de la matière » comprend également d’autres œuvres emblématiques, comme Centre fermé, rêve ouvert, qui expriment l’humiliation et s’inspirent de l’expérience personnelle de Freddy Tsimba dans un centre de rétention en Belgique, où il a été retenu à cause d’une méprise administrative. Cette œuvre résonne profondément avec les violences subies par les femmes, en particulier dans l’Est du Congo. À travers son exposition à Tervuren, Freddy Tsimba continue de défendre l’idée que, malgré les épreuves, il existe un potentiel de beauté et d’espoir, illustré par son installation Children paradise, qui célèbre l’enfance, le jeu et l’espoir.
L’exposition “Au-delà de la matière” de Freddy Tsimba offre une réflexion poignante sur la violence, la résilience et l’espoir à travers un art chargé de symbolisme. Ses œuvres transcendent leurs matériaux, transformant des objets liés à la mort en témoignages de vie et de beauté. En célébrant la souffrance des innocents et en rendant hommage aux victimes de conflits, l’artiste invite le public à méditer sur la possibilité de paix et d’un avenir meilleur. Cette exposition constitue ainsi un appel vibrant à la mémoire et à la réconciliation, affirmant que même dans les ténèbres, l’espoir peut émerger.