Jusqu’au 20 décembre 2023, la galerie Les filles du calvaire accueille l’exposition personnelle de l’artiste belge Lore Stessel, intitulée « Vague ». À travers cette exposition, elle partage avec le public des images de sa rencontre avec des danseurs contemporains, nous éblouissant par sa pratique unique de l’art photographique.
Lore Stessel a étudié la peinture à la Luca School Arts de Bruxelles et la photographie à l’École nationale supérieure de photographie d’Arles. C’est au travers de ces deux médias artistiques que germe sa pratique de l’art contemporain. De la peinture, elle ne conserve que le support et le geste par lequel elle applique sur de la toile l’émulsion gélatino-argentique permettant la transparussions de ses images. Tous les autres détails nécessaires à sa technique créative proviennent de ses études photographiques, notamment l’enregistrement des images sur pellicule, leur développement, puis la réalisation de ses tirages.
Lore Stessel utilise les outils et techniques de la photographie pour donner vie à ses images, mais c’est dans l’exécution de ses gestes que ses toiles prennent corps. Les images se révèlent dans la chambre noire, par contact entre la lumière et la matière, tout comme la rencontre entre l’artiste et les danseurs qu’elle photographie.
Les personnages qu’elle immortalise ne posent pas pour elle, ils dansent. Dans ses toiles apparaissent des corps en mouvement, tout cet amalgame de peau est empreint d’émotions et de sensations que Lore Stessel partage avec les danseurs. Elle assiste parfois à ces moments de communication entre les figures de ses images et attend le moment propice pour capturer avec précision cette manifestation éphémère de sentiments.
L’artiste belge partage dans l’exposition « Vague » sa rencontre avec ces danseurs en s’exprimant ainsi : « L’année dernière, j’ai rencontré à plusieurs reprises les mêmes danseurs. Je n’ai pas parcouru le monde à la recherche de l’inconnu, mais j’ai zoomé et trouvé la beauté dans les petits changements qui peuvent impliquer de grands bouleversements. Cela se passe à l’intérieur de moi en tant que personne et en tant qu’artiste, et chez les personnes qui m’entourent. Et surtout chez les danseurs avec lesquels je travaille. Au sujet de ses films, Werner Herzog disait que les rencontres étaient réelles, mais qu’il mettait en scène les gens pour que la réalité paraisse plus réelle. Avec des danseurs contemporains de Bruxelles, nous avons réfléchi et expérimenté ce que signifiait être ensemble. En éliminant la hiérarchie et les tâches, l’accent est mis sur chaque individu. Qu’est-ce que je désire et comment puis-je le rendre possible dans le cadre du groupe. »
Lore Stessel a cherché à répondre à cette interrogation à travers sa série intitulée « Poetry of the gang ». Elle y explore l’unité d’un groupe et la manière dont l’ensemble prend forme. Pour elle, « Si vous voulez être porté, il faut parfois porter ». C’est au cours des répétitions collectives que l’artiste contemporaine parvient à déceler les moindres sensations et émotions cachées derrière chaque mouvement, ressenties par chaque individu de la troupe. C’est dans ces moments que se niche le souvenir de ces rencontres, une beauté souvent bouleversante, « une multiplicité subtile des sentiments ».
Alessandro Baricco, dans son célèbre roman, explique cette quête de l’instant parfait : « … vous voyez, là, l’endroit où l’eau arrive… elle monte le long de la plage puis elle s’arrête… voilà, cet endroit-là, exactement, celui où elle s’arrête… ça ne dure qu’un instant, regardez, voilà, ici par exemple… vous voyez, ça ne dure qu’un instant puis ça disparaît, mais si on pouvait fixer cet instant… l’instant où l’eau s’arrête, à cet endroit-là exactement, cette courbe… C’est ça que j’étudie. L’endroit où l’eau s’arrête. (…) il se passe là quelque chose… d’extraordinaire (…) C’est là que finit la mer ».
De la même manière, Lore Stessel cherche à fixer ces instants éphémères, ces moments de grâce où la danse devient poésie. Les images de Lore Stessel capturent cette nostalgie du moment, se fondant parfaitement dans la connotation évoquée par l’écrivain. Ses pièces photographiques uniques et immersives revêtent cet aspect étincelant et évanescent de l’écume laissée par la mer lorsque les vagues se retirent. Ainsi, la beauté recherchée par l’artiste belge se manifeste également dans l’observation des changements du paysage, de la matière, des tremblements qui ont façonné les roches, et surtout dans l’onde des vagues qui agitent la mer.
L’exposition « Vague » de Lore Stessel à la galerie Les Filles du Calvaire apparaît comme une observation des émotions perçues au sein d’une unité et au sein d’un paysage en perpétuel mouvement. Cette observation pointilleuse permet aux visiteurs de mieux percevoir ces émotions presque invisibles, mais que l’artiste réussit à capturer avec brio grâce à son objectif photographique.