Lancé depuis 2017 par le Président Emmanuel Macron, le débat sur la restitution des objets d’art africains présents dans les musées occidentaux fait toujours couler beaucoup d’encre et de salive. Malgré ce contexte déjà très particulier, plusieurs ventes de ces objets d’art sont initiées par des maisons de vente européennes. Il y a quelques jours, c’est la célèbre Maison d’art Christie’s qui a été épinglée en raison d’une vente de statuettes nigérianes Igbo.
Des objets d’art africains supposément volés
Dès l’annonce publique de la vente des statuettes, la Commission Nationale du Nigéria pour les musées et les monuments a adressé une demande de suspension de vente à la maison Christie’s. Selon la commission, ces œuvres auraient été illégalement acquises pendant la guerre civile du Biafra, entre 1967 et 1970. Theophilus Umogbai, le conservateur du National Museum de Benin City, s’est également joint à la commission pour protester contre la vente des objets d’art africains. Selon lui, toutes les maisons de vente qui les détiennent doivent les rapatrier et payer des compensations aux pays propriétaires.
Un refus motivé
La maison Christie’s a opposé une fin de non-recevoir à la demande adressée par le Nigéria. Elle estime en effet que ces statuettes ont été exposées plusieurs fois au cours de ces dernières années passées et ont même été vendues en 2010 pendant une foire internationale. Elles faisaient également partie de la collection privée de Jacques Kerchache, l’ancien conseiller de Jacques Chirac, jusqu’à son décès en 2001. Jusque-là, aucune plainte n’avait été formulée à propos de leur importation illégale.
La maison Christie’s estime aussi qu’il n’existe pas de preuves qui attestent que ces œuvres aient été soustraites en Afrique par une personne étrangère. De plus, un commerce d’objets d’art africains existerait déjà avant la guerre du Biafra. Pour Christie’s, les conditions légales seraient donc remplies pour la vente de ces statuettes.
Sur un marché fragilisé par la Covid-19, la vente a connu un succès mitigé. Une paire de statuettes Igbo estimée entre 250 000 et 350 000 euros a finalement été cédée à 212 500 euros. Certaines d’entre elles, telles que la statue Urhobo estimée entre 250 000 et 350 000 euros, n’ont carrément pas trouvé preneur.
Absence de preuves
Cet événement vient allonger la liste des controverses liées à la restitution des objets d’art africains. Pour l’heure, ces objets se trouvent toujours dans les musées européens et dans des collections privées. Plusieurs musées se sont dits disposés à les rendre s’ils s’avèrent qu’ils ont été effectivement dérobés. Toutefois, ils estiment que, contrairement aux allégations du rapport Sarr-Savoy, la plupart d’entre eux ont bel et bien été acquis en toute légalité. Au-delà de cet aspect, plusieurs barrières juridiques doivent être levées et des dispositions logistiques doivent être prises par les pays africains en vue d’un éventuel retour de ces objets d’art sur le continent.